Touchant entre 0,5 % et 0,7 % de la population française, et près de 2 % des enfants américains, l’allergie à l’arachide peut s’avérer très handicapante, mais aussi très dangereuse pour la santé. En cas d’allergie, le système immunitaire réagit fortement, se dérègle et s’emballe, ce qui provoque la réaction allergique, parfois fatale. Une infime quantité d’arachide peut suffire à déclencher une allergie grave, et la plupart des enfants restent allergiques à cette légumineuse toute leur vie.
Cependant, il pourrait être possible de les désensibiliser voire de guérir cette allergie à l’arachide. C’est ce que révèle un essai clinique financé par les National Institutes of Health et publié dans The Lancet. Selon ses auteurs, une immunothérapie orale à l'arachide permettrait à des enfants âgés de 1 à 3 ans fortement allergiques d’être désensibilisés en toute sécurité. Cette immunothérapie peut même entraîner une rémission de l’allergie dans un cas sur cinq.
Ce traitement est d’autant plus simple qu’il consiste en une orale quotidienne de farine d'arachide pendant deux ans et demi. La rémission a été définie comme la capacité de manger 5 grammes de protéines d'arachide, soit l'équivalent de 1,5 cuillère à soupe de beurre d'arachide, sans avoir de réaction allergique six mois après la fin de l'immunothérapie.
Une modification de la réponse immunitaire à l’arachide
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont recruté pour l’essai IMPACT près de 150 enfants âgés de 1 à 3 ans très allergique à la cacahuète, répartis au hasard pour recevoir soit de la farine contenant des protéines d'arachide, soit une farine placebo d'apparence similaire. Les farines étaient mélangées à des aliments tels que de la compote de pommes ou du pudding pour en masquer le goût. L’expérience a été menée pendant 30 semaines, au cours desquelles les enfants ont reçu des doses quotidiennes progressivement croissantes allant jusqu'à 2 grammes de protéines d'arachide, soit l'équivalent d'environ six arachides. Les enfants ont ensuite continué à consommer leur dose quotidienne de farine d'arachide ou de placebo pendant deux années supplémentaires.
Ils ont ensuite été soumis à un test de provocation alimentaire par voie orale au cours duquel ils ont reçu des doses progressivement croissantes de protéines d'arachide jusqu'à un maximum cumulé de 5 grammes. Ils ont ensuite arrêté le traitement et évité les cacahuètes pendant six mois.
Enfin, les enfants ont été soumis à une nouvelle épreuve alimentaire orale avec 5 grammes de protéines d'arachide, soit l'équivalent d'environ 16 cacahuètes. Ceux qui n'ont pas eu de réaction allergique pendant le test ont ensuite reçu 8 grammes de beurre de cacahuète, soit l'équivalent de 2 cuillères à soupe, un autre jour pour confirmer qu'ils pouvaient manger des cacahuètes sans avoir de réaction allergique.
À la fin de la période de traitement, 71 % des enfants qui avaient reçu de la farine d'arachide étaient désensibilisés à l'arachide, contre seulement 2 % de ceux qui avaient reçu la farine placebo. Après six mois d'évitement, 21 % des enfants qui avaient reçu de la farine d'arachide pouvaient même manger 5 grammes de protéines d'arachide sans avoir de réaction allergique et étaient donc en rémission. En revanche, seuls 2 % des enfants qui avaient reçu de la farine placebo étaient en rémission à ce moment-là.
Plus tôt est la prise en charge, plus grandes sont les chances de rémission
Les chercheurs ont constaté que ce sont les enfants les plus jeunes et ceux qui avaient commencé l’essai avec des niveaux plus faibles d’anticorps spécifiques à l’arachide qui étaient les plus susceptibles d’atteindre la rémission. Dans le détail, 71 % des enfants de 1 an, 35 % des enfants de 2 ans et 19 % des enfants de 3 ans étaient en rémission.
"Les résultats marquants de l'essai IMPACT suggèrent l'existence d'une fenêtre d'opportunité dans la petite enfance pour induire une rémission de l'allergie à l'arachide par l'immunothérapie orale, souligne Anthony S. Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID). Nous espérons que les résultats de cette étude permettront de développer des modalités de traitement qui réduiront la charge de l'allergie aux arachides chez les enfants."