La maltraitance infantile a des conséquences tellement fortes qu’elle peut endommager le cerveau, selon une nouvelle étude de l’Inserm publiée dans le journal Molecular Psychiatry.
Coupes de cerveau post-mortem
Pour mieux comprendre les modifications neurobiologiques associées aux violences sexuelles ou physiques et la négligence chronique, des chercheurs de l’Inserm, de l’université de Tours et de la McGill University se sont intéressés au cortex préfrontal ventromédian, une région cérébrale régulant les réponses émotionnelles. Ils ont tout particulièrement étudié les "filets périneuronaux", des structures compactes et denses qui encerclent certains neurones clés dans le fonctionnement du corps.
Pour les étudier, les chercheurs ont analysé des coupes de cerveau post-mortem d’adultes (issus de dons de cerveau sur accord des familles), qui s’étaient suicidés au cours d’un épisode de dépression majeure. Sur les 28 sujets concernés, 12 sujets avaient eu une histoire lourde de maltraitance infantile. Ces extraits ont par ailleurs été comparés avec ceux de sujets contrôles, décédés de mort naturelle et sans antécédent de maltraitance ou de maladie psychiatrique.
Réduire l’impact du traumatisme
Différents types d’analyses ont abouti à plusieurs observations. Tout d’abord, chez les sujets maltraités au cours de l’enfance, les filets périneuronaux étaient plus denses et plus nombreux que ceux des autres individus. Ils présentaient en outre des caractéristiques de maturation plus importante.
Les chercheurs vont maintenant préciser chez la souris les conséquences de ces découvertes, notamment sur la persistance des souvenirs traumatiques liés à l’adversité précoce. "Ces résultats renforcent l’hypothèse d’une corrélation entre stress précoce et développement accru des filets périneuronaux. Reste à découvrir s’il existe un lien causal, c’est-à-dire si ces changements contribuent au développement de comportements associés à la maltraitance et de quelle façon", explique Arnaud Tanti, chercheur Inserm et premier auteur de ces travaux. "On pourrait peut-être à plus long terme envisager de manipuler les filets périneuronaux pour permettre de restaurer une certaine plasticité ou réduire l’impact du traumatisme et le risque psychiatrique par la suite".