Le SARS-CoV-2 est loin d’être le seul virus dont les mutations donnent naissance à des variants plus dangereux et plus contagieux. Le VIH ou virus de l'immunodéficience humaine est aussi concerné.
Dans une étude publiée dans la revue Science le 3 février, des chercheurs de l’Institut de Big Data à l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) expliquent avoir identifié un variant du VIH aux Pays-Bas. Loin d’être émergent, ce dernier serait en réalité apparu dans les années 1980-1990 mais n’auraient été découverts que récemment chez 17 patients séropositifs.
Interrogé par Sciences et Avenir, Christophe Fraser, directeur du groupe de Dynamique des pathogènes à l’institut Big Data et auteur de l’étude, explique les raisons pour lesquelles la reconnaissance d’un nouveau variant du VIH a été si tardive. Selon lui, le lien n’avait pas été fait "avec une hausse de virulence car il y a énormément de variabilité dans la charge virale d’un individu séropositif à un autre". De plus, "l'existence de plusieurs variants du VIH était connue, mais on pensait qu’il n’y avait pas de différence phénotypique entre ces variants. Nous ne cherchions donc pas forcément de lien entre une différence dans la charge virale et un variant spécifique". À cela s’ajoutent des "techniques de séquençage [qui] n’étaient pas encore au point pour permettre d’étudier facilement ces variations et leur lien avec la charge virale, nous empêchant de faire cette découverte plus tôt".
Une charge virale jusqu’à 5,5 fois plus élevée
L’étude, menée dans le cadre du projet BEEHIVEE, qui collecte des échantillons de VIH en Europe et en Ouganda, montre que ce nouveau variant, appelé VB, présente des caractéristiques qui diffèrent des autres souches du VIH. Ainsi, les personnes infectées par ce variant ont non seulement une charge virale 3,5 à 5,5 fois plus élevée que les patients contaminés par une autre souche, mais leur taux de lymphocytes T4 a aussi tendance à décroître plus rapidement. "Si ces patients n’étaient pas traités, ils développeraient le Sida plus rapidement, explique Christophe Fraser. On estime que l’infection est avancée quand le niveau de lymphocytes CD4 dans le sang est au-dessous de 350/mm3. Normalement, ce seuil est atteint environ trois ans après l’infection, mais avec ce variant il serait atteint en à peine 9 mois !" Le variant est aussi plus transmissible, même s’il répond favorablement aux traitements antirétroviraux. Aucun patient n’a d’ailleurs développé la maladie, précise l’auteur de l’étude.
Comprendre le mécanisme derrière la chute rapide des lymphocytes T4
Si pour l’heure, ce variant du VIH n’a été détecté qu’en Europe, et qu’il répond bien aux traitements existants, il pourrait en revanche "causer un problème dans d’autres régions du globe où les personnes à risque d’attraper le VIH sont moins suivies, car il faut détecter rapidement le virus et commencer le traitement avant le développement du Sida", souligne Christophe Fraser.
Le chercheur n’en a pas encore terminé avec ses recherches. Il souhaite désormais identifier le mécanisme responsable de la hausse de la charge virale du variant VB. "Il y a plusieurs mutations dans ce variant, mais on ne sait pas encore laquelle ou lesquelles sont en cause", rappelle-t-il. Il souhaite aussi mieux comprendre les mécanismes expliquant la chute accélérée des lymphocytes T4. La charge virale élevée ne peut l’expliquer à elle seule car sinon, "il faudrait une augmentation de celle-ci d’environ 1000 fois, or elle est seulement cinq fois plus élevée que d’habitude. Donc il y a une autre explication derrière cette chute des CD4, mais nous ne la connaissons pas".