Les alcaloïdes de l'ergot de seigle sont une classe de produits naturels connus pour leur structure moléculaire privilégiée sur le plan pharmacologique, notamment dans le traitement des formes de démence, comme la maladie de Parkinson et d'Alzheimer, mais aussi d'autres maladies neurologiques comme la migraine. "Leur synthèse par des voies chimiques et biologiques présente donc un intérêt industriel, mais elle se heurte à plusieurs difficultés", soulignent les auteurs de cette étude publiée dans Nature Communications.
Ces médicaments sont produits à partir d'extraits du champignon ergot de seigle, un parasite qui se développe dans les champs de cultures céréalières (blé, seigle). Ces traitements présentent toutefois des ressources limitées, dans la mesure où elles sont liés à l'agriculture industrielle, impactée par le changement climatique et décriée pour son impact carbone.
La reconstitution de la voie des alcaloïdes de l'ergot de seigle dans une souche fortement adaptée à la fermentation liquide pourrait toutefois potentiellement résoudre ces problèmes, arguent les scientifiques de l'école de médecine Yong Loo Lin de l'université nationale de Singapour et de l'Imperial College (Londres, Angleterre), qui ont réalisé ces travaux.
Une méthode qui pourrait aboutir à des productions industrielles de médicaments
L'étude s'est focalisée sur la molécule thérapeutique principale de l'ergot de seigle, appelée l'acide D-lysergique (ALD). Pour réduire l'utilisation de terres arables liée à la production de ce médicament, les chercheurs ont testé une autre méthode de production d'ALD.
Leur expérience consiste à utiliser des dérivés de l'ergoline (composé chimique de plusieurs alcaloïdes) à partir d'un châssis de levure de boulangerie, l'un des premiers organismes cellulaires dont le génome a été modifié.
Grâce au même processus de fermentation que celui utilisé pour la fabrication de la bière et du pain, ces cellules fongiques modifiées ont ensuite pu se nourrir de sucre pour produire de l'ALD - soit un peu moins de 2 mg du composé dans un réacteur d'un litre.
Selon les chercheurs, bien que les volumes produits dans l'étude soient faibles, l'approche pourrait être étendue à des niveaux industriels, permettant à la levure de produire des tonnes de ce composé chaque année. "Notre travail démontre la preuve de concept pour la production biologique de composés dérivés de l'ergoline à partir de sucre dans un châssis de levure modifié", affirment les scientifiques.
Selon les statistiques, entre 10 et 15 tonnes d'ALD seraient produites chaque année pour répondre à la demande mondiale des médicaments fabriqués à partir de cette molécule.