Comment expliquer, par exemple, la verve des femmes et des hommes politiques, capables de s’exprimer lors de meetings pour présenter leur programme et convaincre les citoyens ? Ou encore, la fluidité de langage dont font preuve les comédiens ?
Les chercheurs connaissent désormais depuis longtemps la zone du cerveau responsable du traitement du langage. Appelée l’aire de Broca, elle a été identifiée en 1861 par le médecin français éponyme Paul Broca et est située dans le cortex cérébral. Mais, malgré toutes les avancées faites depuis pour éclairer la façon dont sont produits et compris les mots, aucune zone spécifique n’avait jusqu’ici été identifiée pour permettre de comprendre comment nous retranscrivons ce langage.
Des scientifiques de l'école de médecine Grossman de l'université de New York apportent pour la première fois la réponse : cette capacité existe grâce à une zone cérébrale appelée gyrus dorsal précentral. Dans une étude publiée dans la revue PLOS Biology, ils expliquent avoir découvert que cette région traversant la surface pliée de la partie supérieure du cerveau joue un rôle central dans la façon dont les gens utilisent le son de leur voix pour contrôler la façon dont ils veulent que les mots sonnent et impactent leur auditoire.
"Notre étude confirme pour la première fois le rôle essentiel du gyrus précentral dorsal dans le maintien du contrôle de la parole pendant que nous parlons et dans la garantie que nous prononçons nos mots comme nous le voulons", explique le Pr Adeen Flinker, le neuroscientifique qui a codirigé les travaux.
Comment le cerveau contrôle la parole
Cette nouvelle étude s’est concentrée sur plusieurs sous-régions du cortex cérébral, car elles sont connues pour contrôler la façon dont les gens bougent leur bouche, leurs lèvres et leur langue pour former des mots, et pour jouer un rôle dans le traitement de ce qu'ils s'entendent dire. Mais jusqu’à présent, le rôle précis de chaque sous-région dans le retour de la parole en temps réel n'était pas clair, en partie à cause des difficultés à accéder directement au cerveau pour l'étudier lorsque les gens sont vivants et parlent.
Ici, les chercheurs ont résolu ce problème en plaçant des électrodes dans le cerveau de 15 personnes épileptiques devant subir une intervention chirurgicale de routine pour localiser la source de leurs crises. Les volontaires ont effectué des tests de lecture lors d’une pause pendant leur opération, en prononçant à haute voix des mots et de courts textes. Tous portaient des écouteurs afin que leurs propos puissent être enregistrés et restitués au fur et à mesure.
Les chercheurs ont enregistré l'activité électrique à l'intérieur de la plupart des sous-régions du cerveau des patients lorsque ceux-ci s'entendaient parler. Les patients s’entendaient parler mais le retour dans le casque était retardé de quelques millisecondes afin d’étudier la façon dont leur cerveau apprend et traite la parole.
En introduisant des erreurs dans la parole normale (semblable au bégaiement), les chercheurs affirment qu'ils peuvent ensuite comparer et contraster les signaux électriques pour déterminer comment les différentes parties du cerveau fonctionnent et contrôlent la parole.
Une piste de traitement pour Parkinson
Trois régions corticales ont été identifiées comme étant impliquées dans la correction des erreurs de la parole : le gyrus temporal supérieur et le gyrus supramarginal, une seule, le gyrus précentral dorsal. L’activité cette dernière région dominait en cas de retard de parole maximisé.
Les chercheurs prévoient d’autres travaux pour savoir si le gyrus dorsal précentral est responsable de la façon dont les mots ont été effectivement prononcés et de la détection des erreurs dans leur prononciation.
"Maintenant que nous pensons connaître le rôle précis du gyrus précentral dorsal dans le contrôle des erreurs d'élocution, il sera peut-être possible d'axer les traitements sur cette région du cerveau pour des pathologies telles que le bégaiement et la maladie de Parkinson, qui impliquent toutes deux des problèmes de retard de traitement de la parole dans le cerveau", conclut le Pr Flinker.