Le microbiome intestinal, c’est-à-dire l’écosystème dans lequel évoluent les microorganismes du tractus digestif humain, n’influence pas uniquement notre santé digestive. De nombreuses études ont déjà documenté le lien qu’il existe entre microbiome intestinal et le développement de comportements comme la dépression, l’asthme ou encore les maladies cardiovasculaires.
Il s’agit d’un lien interdépendant : le microbiome intestinal peut accroître le risque de développer ces pathologies, et ces maladies influencent aussi la composition du microbiome.
C’est ce que démontrent deux nouvelles publications parues dans Nature Medicine. Menées par des chercheurs des universités de Copenhague (Danemark) et de Tel Aviv (Israël), elles mettent en lumière le déséquilibre des bactéries intestinales chez les patients souffrant d'infarctus du myocarde, d'angine de poitrine et d'insuffisance cardiaque.
Un microbiome déséquilibré peut déclencher des troubles cardiaques
Lorsqu’elles sont en équilibre, les billions de bactéries constituant le microbiome intestinal fonctionnent comme une usine de chimie interne : elles produisent alors de nombreux composés qui favorisent la bonne santé. Cependant, un mode de vie malsain (nourriture trop grasse, sucrée ou salée, mais aussi tabagisme, manque d'activité physique ou maladie) - peut perturber l'équilibre. Les bactéries sont alors susceptibles de produire des composés déclenchant de multiples troubles, y compris cardiaques.
Cependant, ces découvertes sur le microbiome intestinal altéré sont contestées car elles ont été obtenues dans des études sur des patients soumis à un traitement médicamenteux, qui peut lui aussi modifier le microbiote. En conséquence, un doute subsistait : étaient-ce les médicaments ou les maladies cardiaques elles-mêmes qui étaient à l'origine de la perturbation du microbiome intestinal ces les personnes souffrant de cardiovasculaires ? Si c’est le cas, un microbiome intestinal déséquilibré est-il une des caractéristiques de la maladie cardiaque elle-même ?
Une modification précoce du microbiome intestinal
Pour répondre à ces questions, les chercheurs ont recruté 1 241 personnes d'âge moyen résidant au Danemark, en France et en Allemagne, y compris des personnes en bonne santé, des personnes obèses et diabétiques de type 2 mais sans diagnostic de maladie cardiaque. Ils ont aussi recruté des patients souffrant d'infarctus du myocarde, d'angine de poitrine ou d'insuffisance cardiaque.
Au total, les chercheurs ont dénombré environ 700 espèces bactériennes différentes. Ils ont ensuite estimé leurs fonctions dans le microbiome intestinal et ont comparé ces résultats à plus de 1 000 composés circulant dans le sang.
"Nous avons constaté qu'environ la moitié de ces bactéries intestinales et composés sanguins étaient modifiés par un traitement médicamenteux et n'étaient pas directement liés aux maladies cardiaques ou aux stades précoces de la maladie comme le diabète ou l'obésité survenant avant le diagnostic de maladie cardiaque", explique le professeur Oluf Pedersen de l’université de Copenhague, qui a dirigé les travaux.
Pour l’autre moitié des bactéries intestinales, des perturbations du microbiome ont été constatées, mais environ 75 % se sont produites aux premiers stades du surpoids et du diabète de type 2, soit plusieurs années avant que les patients ne remarquent des symptômes de maladie cardiaque.
Les chercheurs ont aussi constaté que ce déséquilibre bactérien persistait chez les patients atteints de cardiopathie. Non seulement les "bonnes" bactéries étaient moins nombreuses, mais elles perdaient aussi leurs capacités à réguler le microbiome en produisant des composés sains.
Les traitements médicamenteux ne causent pas le déséquilibre du microbiome
"Il est désormais clair que des perturbations majeures se produisent dans le microbiome intestinal des patients souffrant de maladies cardiaques et que ces altérations peuvent commencer plusieurs années avant l'apparition des symptômes et du diagnostic de la maladie cardiaque, relève Oluf Pedersen. Ces modifications du microbiome ne s'expliquent pas par les traitements médicamenteux."
Le chercheur plaide désormais pour la mise en place d’initiatives de santé publique plus ciblées autour de l’alimentation équilibrée, la pratique d’exercice physique quotidienne et l’arrêt du tabac pour "tenter de prévenir ou de retarder la morbidité et la mortalité liées aux maladies cardiaques".