- De précédentes études ont montré que les longues missions spatiales entraînaient, entre autres, une diminution de la densité musculaire des astronautes.
- D'autres encore ont révélé une diminution du volume de la matière grise et une augmentation du volume du liquide céphalo-rachidien du cerveau.
- Parmi les changements physiologiques dans la fonction cardiaque, les voyages spatiaux induisent une réduction de la fréquence cardiaque, une baisse de la pression artérielle et une augmentation du débit cardiaque.
Alors que la communauté scientifique estime qu’un premier voyage sur Mars sera possible d’ici une dizaine d’années, les effets de longues périodes passées dans l’espace commencent à être bien documentés. Nombreuses sont les études à s’être penchées sur les conséquences des voyages spatiaux de longue durée sur le métabolisme, les os et les muscles, le microbiote intestinal ou encore le système immunitaire des astronautes.
Il est donc évident que l’exploration spatiale a aussi des conséquences sur le cerveau humain. De précédents travaux ont montré que les vols spatiaux peuvent modifier à la fois la forme et la fonction d'un cerveau adulte.
Une nouvelle étude publiée dans Frontiers in Neural Circuits apporte de nouvelles preuves des effets des voyages spatiaux sur le cerveau. Ses résultats montrent que se produisent des changements microstructuraux significatifs dans plusieurs voies de la substance blanche, en en particulier dans les voies sensorimotrices.
Le cerveau s’adapte aux conditions de vie dans l'espace
La substance blanche désigne les parties du cerveau qui sont responsables de la communication entre la matière grise et le corps et entre les différentes régions de matière grise. La substance blanche est donc indispensable car elle sert de canal de communication avec la matière grise, où se fait ensuite le traitement de l’information.
Afin d’étudier la structure et la fonction du cerveau après un vol spatial, les chercheurs ont recruté 12 astronautes masculins ayant participé à des missions de longue durée, d'une durée moyenne de 172 jours.
Ils ont utilisé une technique d'imagerie cérébrale appelée tractographie des fibres, qui "donne une sorte de schéma de câblage du cerveau", comme l’explique le Dr Floris Wuyts de l'Université d'Anvers, qui a dirigé l’étude. Les scans IRM de diffusion (IRMd) de 12 astronautes masculins avant et juste après leur vol spatial ont aussi été étudiés, ainsi que huit scans de suivi, sept mois après le vol spatial.
Les analyses montrent que le cerveau a un niveau de neuroplasticité élevé pour s’adapter aux vols spatiaux. "Nous avons constaté des changements dans les connexions neuronales entre plusieurs zones motrices du cerveau, souligne le premier Andrei Doroshin, de l'université Drexel (États-Unis). Les aires motrices sont des centres cérébraux où les commandes de mouvements sont initiées. En apesanteur, un astronaute doit adapter ses stratégies de mouvement de façon radicale, par rapport à la Terre. Notre étude montre que leur cerveau est pour ainsi dire recâblé."
Et ces changements restent durables, même après plusieurs mois de retour sur Terre.
Pas de changement structurel, mais un changement de forme
L’étude trouve aussi une explication aux changements anatomiques du cerveau observés après un vol spatial. Initialement, les chercheurs avaient détecté des changements dans le corps calleux du cerveau, cette partie centrale qui relie les deux hémisphères et qui borde les ventricules, un réseau communicant de chambres remplies de liquide, qui se dilatent en raison des vols spatiaux.
"Les changements structurels que nous avons initialement constatés dans le corps calleux sont en fait causés par la dilatation des ventricules qui induit des déplacements anatomiques du tissu nerveux adjacent, détaille le Pr Wuyts. Alors que l'on pensait initialement qu'il existait de réels changements structurels dans le cerveau, nous n'observons que des changements de forme. Cela place les résultats dans une perspective différente."
Ces nouveaux travaux soulignent une nouvelle fois la nécessité de comprendre comment les vols spatiaux affectent notre corps, et en particulier le cerveau humain. Il existe déjà des contre-mesures à la perte musculaire et osseuse, comme la pratique d'un exercice physique pendant au moins deux heures par jour. Les recherches futures pourraient prouver que des contre-mesures sont aussi nécessaires pour le cerveau.