Les aliments que nous ingérons peuvent être dangereux. Ils sont parfois contaminés par des bactéries, potentiellement toxiques pour notre organisme. La listeria en fait partie. Très répandue dans l’environnement, elle est transmise à l’Homme par les animaux. Généralement, elle provoque des symptômes légers, dont la diarrhée, mais les personnes fragiles sont plus à risque de développer une listériose. Selon l’Anses, cette maladie peut générer une septicémie, une méningite, des abcès cérébraux, ou encore des infections locales. Lorsqu’elle s’attaque au système nerveux, on parle de neurolistériose. Des scientifiques de l'Institut Pasteur, de l'Université Paris Cité, de l'Inserm et de l’AP-HP ont travaillé sur cette pathologie pour mieux la comprendre. Ils ont découvert le mécanisme qui permet à la bactérie de s’attaquer au cerveau. Leurs résultats sont parus dans la revue Nature.
Des bactéries qui s’accrochent aux vaisseaux sanguins
Ils ont développé un modèle expérimental reproduisant les différents stades de la listériose humaine, et impliquant des souches virulentes de la listeria isolées de patients atteints de neurolistériose. Les scientifiques ont d'abord remarqué que les monocytes inflammatoires, un type de globule blanc, sont infectés par la bactérie. Ces monocytes infectés circulent dans la sang et adhèrent aux cellules des vaisseaux cérébraux, permettant à la listeria d'infecter le tissu cérébral.
Une durée de vie allongée
L'équipe de recherche a ensuite démontré qu'InIB, une protéine de surface de la listeria, permet à la bactérie d'échapper au système immunitaire et de survivre dans les monocytes infectés. Cette protéine bloque l’action des lymphocytes. Ce mécanisme prolonge la durée de vie des cellules infectées, augmentant le nombre de monocytes infectés dans le sang et facilitant la propagation bactérienne aux tissus hôtes, y compris le cerveau. Selon les auteurs, il favorise également la persistance de Listeria dans le tissu intestinal, son excrétion fécale et sa transmission vers l’environnement. "Nous avons découvert un mécanisme spécifique et inattendu par lequel un pathogène augmente la durée de vie des cellules qu'il infecte en bloquant spécifiquement une fonction du système immunitaire cruciale pour le contrôle de l'infection", résume Marc Lecuit, co-auteur de l’étude, et responsable de l'unité Biologie de l'infection à l'Institut Pasteur (Université Paris Cité, Inserm). Avec son équipe, il suppose que d’autres agents pathogènes pourraient utiliser les mêmes mécanismes pour infecter le cerveau. "L'identification et la compréhension des mécanismes d'échappement immunitaire des cellules infectées pourraient donner lieu à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour prévenir l’infection", concluent les auteurs. Car la neurolistériose est une maladie particulièrement grave, et mortelle dans 30% des cas.