Ils sont au cœur de la crise sanitaire depuis deux ans. Lors du salon Secours Expo, quatre spécialistes de la médecine d’urgence ont fait le bilan de leurs expériences hors norme et ont expliqué comment ils voyaient l’avenir.
Adaptation
Premier constat, plutôt positif : les services d’urgence, dans un premier temps démunis face à l’arrivée de la Covid-19, se sont vite adaptés à la situation. "Lorsque le virus a débarqué, on est allé chercher des masques EPI et des bouteilles d’oxygène chez les constructeurs de piscine, il a fallu être inventif", se rappelle Stéphane Voisin, vice-président de la Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme (FFSS). "Au début de la crise, on avait peur, la communication n’était pas bonne. Les seules informations venaient de nos collègues italiens. On mettait des sacs plastique et des sacs poubelle pour se protéger", se remémore aussi le Dr Eric Revue, vice-président de la Société Européenne de Médecine d’Urgence (EUSEM).
Mais, en France, "la médecine d’urgence a tenu bon. On s’est aperçu qu’on avait une agilité pour s’adapter et on a fait des choses que jamais je pensais qu’on serait capable de faire", se félicite le Dr Agnès Ricard-Hibon, cheffe de service du SAMU-SMUR-SAU 95. La bonne coordination des urgentistes avec la médecine de ville et le secteur associatif a notamment empêché, selon la spécialiste, de saturer durablement les urgences, tout comme le recours à la téléconsultation. "Les cellules de crise se sont aussi créées en un temps record au sein des APHP", ajoute Eric Revue.
Deuxième constat, cette fois très négatif : le développement du mouvement anti-vaccin a considérablement brouillé les messages que les urgentistes voulaient faire passer aux Français."Les antivax nous ont pourri la vie. On ne nous écoutait pas, les gens n’avaient plus confiance en la science" déplore Eric Revue, très remonté. "Au début de la crise, je n’étais pas convaincue qu’il faille aller sur les plateaux télévisés répondre aux questions des journalistes. Mais face aux personnes qui véhiculaient de fausses informations, j’ai compris l’importance de ne pas mener une politique de la chaise vide, et je me suis régulièrement rendue sur les chaînes d’information après mes heures de service à l’hôpital", raconte Agnès Ricard-Hibon.
Vers le futur
Après avoir fait le bilan de deux ans de crise sanitaire, les urgentistes se sont tournés vers le futur : sommes-nous prêts à affronter une nouvelle pandémie ? "Oui et non", répond Agnès Ricard-Hibon. "Oui, parce que nous avons développé de très bonnes capacités d’adaptation. Et non, parce que nous assistons en ce moment au grand retour de « l’anormalité d’avant ». La maltraitance involontaire des patients et les contraintes administratives sont responsables de départs massifs des soignants vers d’autres professions", analyse la médecin.
"25% des ambulanciers qualifiés manquent dans nos services", confirme Stéphane Graton, ambulancier et PDG de sa société de transports médicalisés. "Notre métier n’attire plus car on ne lui donne plus de sens, un phénomène que l’épidémie de Covid-19 a amplifié. Nous avons aussi été oubliés par le Ségur de la santé. Donc concernant la prochaine crise sanitaire, oui, on y répondra, mais je ne sais pas comment", s’inquiète le professionnel de santé.
Alors que les cas de Covid-19 repartent à la hausse, tous plaident pour le lancement d’un grand bilan national de cette période compliquée.