- 230 000 personnes sont immunodéprimées en France.
- Elles représentent actuellement, dans certains hôpitaux, jusqu’à 30 % des malades hospitalisés pour Covid-19 en réanimation ou en soins intensifs.
Les résultats d’une nouvelle étude française, publiée dans le journal Blood, pourraient aider à proposer aux patients immunodéprimés un traitement plus adapté.
On dit d'une personne qu'elle est immunodéprimée lorsque son système immunitaire n'est plus capable de faire face correctement à des agents pathogènes comme des bactéries, des virus, des parasites ou encore des agents toxiques. Certains contractent cette condition suite à des greffes, des maladies ou des traitements, mais d’autres naissent avec : on parle alors de déficit immunitaire combiné sévère (DICS).
Muqueuses nasales
Alain Fischer, membre fondateur de l’institut Imagine, connaît bien ces patients, qu’il suit depuis plus de 30 ans. "Pour soigner ces personnes, il faut réaliser une allogreffe de moelle osseuse avec parfois une chimiothérapie pré-greffe pour éviter le rejet du greffon, résume le médecin et immunologiste. Ce procédé permet de guérir les patients, de restaurer leur système immunitaire, mais nous n’avions jamais étudié en détail ce qui se passait au niveau des muqueuses nasales", ajoute le spécialiste. En effet, la machinerie de la réponse immunitaire est d’une très grande complexité et fait intervenir un grand nombre d’acteurs : ceux de la réponse immunitaire innée, qui agissent au niveau des muqueuses de l’intestin, des poumons et du nez notamment, et ceux de la réponse adaptative, circulant dans le sang et la lymphe.
Afin de mieux comprendre la façon dont le système immunitaire inné était régulé, James Di Santo, responsable de l’unité Immunité innée (Institut Pasteur/Inserm), a proposé de comparer le système immunitaire des patients immunodéprimés après greffe avec ceux des patients sains de la cohorte Milieu Intérieur. "Nous avions déjà récupéré, grâce à un simple écouvillon nasal, des échantillons nasopharyngés chez quelques 1 000 sujets et pu étudier la réponse immune grâce à eux, explique le chercheur. L’idée était de réaliser le même type de prélèvements chez les patients immunodéficients, couplé à une prise de sang, pour observer les différences", poursuit-il.
Différences notables
Très rapidement, les chercheurs ont pu observer des différences notables chez certains patients. En effet, chez les personnes dont la déficience immunitaire était partielle, et pour lesquels la chimiothérapie pré-greffe avait été limitée, la sphère nasopharyngée présentait une moins grande quantité de mucus, moins d’anticorps IgA ou de cytokines et une prédominance des bactéries pathogènes. En d’autres termes, ces personnes avaient un système immunitaire mucosal moins actif face aux attaques quotidiennes des pathogènes. Par ailleurs, leur prise de sang a révélé une déficience de certaines cellules immunitaires.
"On sait que les cellules immunitaires du sang produisent des cytokines qui vont stimuler la production des anticorps, qui eux-mêmes sont chargés de neutraliser les bactéries pathogènes. Lorsque les cellules immunitaires du sang sont absentes, c’est une véritable réaction en chaîne qui s’opère et entraîne, au final, un déséquilibre du microbiote que l’on appelle une dysbiose", relate James Di Santo.
Pour la première fois, les chercheurs ont donc pu observer, chez l’Homme, les mécanismes de l’immunité inné en action au niveau de la muqueuse nasale. Cette découverte pourrait par ailleurs conduire les médecins à ajuster leur protocole de greffe. "Les patients dont la capacité à produire des anticorps IgA n’est pas restaurée sont potentiellement plus vulnérables face aux infections respiratoires, explique Alain Fischer. On peut compenser cela par un traitement substitutif en anticorps, mais les résultats de cette nouvelle étude incitent également à recourir plus systématiquement à une chimiothérapie pré-greffe pour permettre une reconstitution complète de leur immunité", conclut-il.