Une dizaine de victimes de l’épidémie de choléra en Haïti ont déposé plainte ce jeudi 10 octobre contre l’Organisation des Nations Unies. Leurs avocats se sont présentés devant un tribunal de New-York. Cette plainte suit plusieurs demandes d’indemnisations de la part d’Haïti. L’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti estime qu’il faudra 10 ans et 2.2 milliards de dollars pour venir à bout de l'épidémie.
Des Casques bleus responsables de l'épidémie
L’épidémie de choléra a été introduite en 2010 en Haïti, faisant 8 300 morts et touchant 650 000 personnes. Une enquête du centre de contrôle des maladies américain (CDC) menée en juin 2011 a mis en cause un contingent népalais de l’ONU. 1 075 Casques bleus sont venus de Katmandou (Népal) dans le cadre de la mission pour la stabilisation en Haïti (Minustah). Leur centre d’entraînement était proche d’une zone où le choléra faisait rage. Les déjections de ce groupe ont contaminé une rivière importante au nord de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, où vivent plus de 2 millions de personnes. Les conditions de vie et d'hygiène déplorables, suite au séisme de janvier 2010, ont accéléré la propagation de la maladie.
Haïti demande réparation
Depuis 2011, Haïti se bat pour que le préjudice causé par les troupes de l’ONU soit reconnu. Cette plainte devant un tribunal en est le dernier acte, mais aussi le plus désespéré. « Nous nous attendons à ce que l’ONU cherche à éviter de répondre aux preuves présentées par les victimes en argumentant que la juridiction de la Cour ne lui permet pas de traiter cette affaire, a déclaré Ira Kurzban, co-conseiller du dossier et partie civile. Nous sommes préparés à ce défi, et nous sommes certains que la Cour conclura que ce dossier doit être traité, car les victimes ont un droit d’accès reconnu aux Cours. Ce droit doit être protégé, »
L’ONU plaide l’immunité
Les Nations Unies refusent de reconnaître leur responsabilité dans le dossier depuis 2010. Elle a ignoré l’ultimatum de l’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti en mai dernier. Trois mois plus tôt, l’Organisation refusait d’indemniser les victimes au nom des « privilèges et immunités » dont elle dispose. 5 000 plaintes ont été déposées en novembre 2011 auprès de l'ONU. Une position qui n'est pas toujours comprise au sein de l'Organisation. La Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme, Navi Pillay, a déclaré en juillet dernier que les victimes de l'épidémie devaient être indemnisées, sans toutefois préciser qui doit verser ces indemnités.
« Il n’est pas dans les pratiques de l’ONU de discuter publiquement des poursuites intentées contre elle, » a déclaré Farhan Haq, porte-parole associé du Secrétaire général Ban Ki-Moon. Il a également rappelé que « l’ONU œuvre sur le terrain avec le gouvernement et la population d’Haïti à fournir une assistance immédiate et concrète aux personnes touchées, à mettre en place de meilleures infrastructures et à fournir des services pour tous. »
Des dégâts collatéraux d'ampleur
L’ONU souligne qu'elle met en place de nombreuses actions. L’Organisation a aidé à construire des centres de traitement du choléra, des eaux usées, a fourni des vaccins anticholériques et aidé à mettre en place des campagnes de sensibilisation.
Mais les dommages collatéraux ne sont pas réglés pour autant. L’épidémie a pris pied dans un pays ravagé par le séisme de janvier 2010. Des violences sans précédents ont suivi sa propagation. La terreur des Casques bleus a entraîné des lynchages et des affrontements entre la population haïtienne et les troupes de l’ONU.