"Pendant cinq à dix ans, le cyberharcèlement et la cyberviolence n’étaient pas reconnus. En clair, les adultes ne considéraient pas qu’ils avaient des répercussions graves sur le bien-être et la santé mentale des enfants, car la violence n’était pas physique mais virtuelle. Pourtant, ces agissements malveillants et répétés à l’égard d’une personne peuvent altérer ses conditions de vie, voire même conduire à un suicide", déclare Bruno Falissard, pédopsychiatre, lors de la deuxième édition du forum de La Jeune Académie le 31 mars. Le membre de l’Académie nationale de médecine explique que les filles et les personnes LGBTQIA+ sont plus à risques de cyberviolence. "Le pic de cyberharcèlement survient à la fin du collège", ajoute-t-il.
Les élèves sont plus touchés par le harcèlement scolaire entre 10 et 12 ans
Ce mode de persécution n’est pas uniquement observé en ligne, certains élèves en sont également victimes dans l’enceinte des établissements scolaires. D’après un rapport réalisé par des classes de première d'un lycée, situé dans le 15ème arrondissement de Paris, 37,3 % des élèves au sein de leur lycée se sont sentis oppressés, isolés ou ont subi des attaques de manière répétée sur une certaine période de temps. La plupart des répondants harcelés ont vécu cette intimidation entre l’âge de 10 et 12 ans. Le sondage révèle que 50 % des adolescents harcelés en ont parlé à leurs parents et 25 % à un adulte à l’école.
L’enquête dévoilée par les adolescents à l’Académie nationale de médecine a été menée auprès de 120 élèves âgés d’environ 15 ans. "Nous avons été surpris de constater qu’au sein de notre école, 5,9 % se considèrent comme des harceleurs et que 35,6 % des élèves ont déjà été témoins d’une situation de harcèlement", déclare Alice, une lycéenne chargée de présenter le rapport sur les violences dans les relations entre jeunes.
Les conséquences du harcèlement scolaire
Pour 77,6 % des adolescents harcelés, la violence est psychologique et verbale. En clair, ils sont victimes d’insultes, de moqueries, de rumeurs ou de mensonges. Selon les résultats, les principales causes de harcèlement scolaire sont l’apparence physique, la diffusion de contenus explicites puis la nationalité et l’ethnicité. "Ces réponses sont étonnantes car notre école accueille des élèves de 80 nationalités différentes de la moyenne section à la terminale", précise Alice.
D’après le sondage, le harcèlement subi à l’école a provoqué de l’anxiété, de la tristesse, de la solitude, de l’insomnie, de la perte en confiance en soi, une dépression et des pensées suicidaires chez les victimes. "Certains ont également accumulé les absences", spécifie Clara, une élève de première qui a aussi participé à la réalisation du rapport. Ce mode de persécution a aussi entraîné des troubles des conduites alimentaires, tels que l’anorexie ou la boulimie.
Comment agir en cas de harcèlement à l’école ?
"De plus en plus de personnes parviennent à repérer les signes d’un harcèlement scolaire. Mais peu d’entre eux savent réagir face à cette situation et venir en aide aux victimes", déplore Alice. À partir des résultats de leur rapport, les lycéens ont forgé des recommandations. Ils estiment que la sensibilisation au harcèlement en ligne ou en milieu scolaire doit avoir lieu avant l’entrée au collège. La raison est simple : 46,2 % des élèves sondés confient que les interventions aux collèges pour sensibiliser aux conséquences du harcèlement n’affectent pas les harceleurs et 38 % considèrent que les mesures proposées pour lutter contre cette intimidation ne sont pas adaptées à la vie réelle.
"Nous préconisons qu’un intervenant extérieur se rend dans les établissements scolaires pour évoquer les répercussions du harcèlement scolaire. Afin que tous les élèves se mettent à la place des victimes, il vaut mieux qu’ils participent aux interventions. Par exemple, à l’école, nous avons joué une pièce de théâtre sur le harcèlement. Cette méthode a eu plus d’impact sur nos comportements car nous étions plus impliqués", développe Naomi, co-auteure du rapport.
Autre action : instaurer un entretien annuel avec un référent, à savoir un adulte en qui les adolescents peuvent avoir confiance. "Ce rendez-vous permet à l’élève de se livrer sur le harcèlement qu’il peut subir mais également sur sa vie académique. L’idée est qu’il peut préserver son anonymat", indique Perle, une lycéenne qui liste les recommandations des adolescents. Les auteurs de l’enquête proposent également de mettre en place des cours de "well-being" du CM1 jusqu’en 5ème, pour que les victimes et les harceleurs puissent faire part de leurs souffrances.
Les lycéens veulent créer une hotline (une ligne téléphonique directe) pour recevoir les témoignages des personnes harcelées. "Les victimes ont souvent honte de parler d’elles", précise Perle. Julien, un autre élève qui a participé au rapport, souligne également l’importance de la mise en place d’une journée de formation pour les professeurs et la direction des écoles afin qu’ils puissent repérer rapidement les signes d’un harcèlement scolaire et agir. "Une thérapie peut également permettre aux victimes d’affronter ce mode de persécution. Elles pourraient bénéficier d’une séance par an avec un psychothérapeute en dehors ou au sein de l’établissement scolaire", poursuit Julien.
Les élèves prônent aussi pour le recours à des sanctions constructives contre les harceleurs. "Le but n’est pas de les humilier mais de leur faire prendre conscience des conséquences de leurs actes. Malheureusement, peu d’élèves savent que le harcèlement est un délit puni par la loi", déclare Julien.