- Pourquoi docteur : Pouvez-vous nous détailler le fonctionnement du nouveau dispositif MonPsy ?
Camille Mohoric-Faedi - Pour bénéficier de ce dispositif, il faut d’abord obligatoirement consulter un médecin généraliste, afin qu’il évalue votre santé mentale et vous fasse une prescription médicale s’il l’estime nécessaire. Une fois en possession de l’ordonnance, il faut alors choisir dans l’annuaire gouvernemental un psychologue conventionné, qui a accepté d’intégrer le nouveau système. Il sera alors possible de bénéficier de 8 séances d’accompagnement psychologique, dont une consacrée à l’évaluation de l’état du patient. Cette démarche peut être renouvelée tous les ans.
- Quelles sont les pathologies mentales concernées ?
Pratiquement aucune, puisque seuls "les troubles anxieux et dépressifs d’intensité légère à modérée" peuvent donner droit à une consultation libérale gratuite. De fait, sont exclues, chez les adultes, les pathologies suivantes : le burn-out, la dépression chronique, le deuil compliqué, le trouble anxieux généralisé, les TOCS, les troubles du comportement alimentaire, les addictions, les troubles cognitifs, les maladies neurodégénératives, les troubles autistiques et les troubles de stress post-traumatique. Les patients pouvant bénéficier du dispositif MonPsy ne doivent pas non plus consommer d’anxiolytiques, d’antidépresseurs et de somnifères depuis plus de trois mois, ne pas avoir été admis en hôpital psychiatrique les trois dernières années avant sa consultation, et ne pas être en arrêt maladie depuis plus de six mois pour motifs psychologiques.
Chez les enfants de plus de trois ans, les conditions sont les mêmes, excluant également le trouble de l’oralité, la dyslexie, la dysorthographie, la dyspraxie, l’angoisse de séparation, le questionnement identitaire et de genre, les automutilations, l’inhibition sociale, les troubles du langage, le TDAH et le harcèlement scolaire.
- Quels professionnels de la santé mentale peuvent intégrer le dispositif MonPsy ?
Au début, seuls les psychologues cliniciens et les psychologues psychothérapeutes pouvaient se conventionner, car ce sont les seuls habilités à faire de la psychothérapie. Mais aujourd’hui, comme le gouvernement ne trouvait personne, tous les psychologues ayant une "expérience en clinique" sont invités à intégrer le dispositif, c’est-à-dire pratiquement tout le monde.
- Vous êtes très critique vis-à-vis du dispositif MonPsy. En quoi est-il, selon vous, dommageable pour les patients ?
Plusieurs choses posent problème. D’abord, ce dispositif oblige les Français à se confier à leur médecin généraliste, qui n’est pas un professionnel de la santé mentale, et qui, dans certaines régions, est très difficile d’accès ou dispose de peu de temps. Ensuite, ils ne peuvent pas consulter librement le psychologue de leur choix, car ils doivent s’en tenir à la liste des professionnels conventionnés. Par ailleurs, ils ne bénéficieront pas de vraies séances de psychothérapie, mais "d’un accompagnement psychologique", ce qui, pour nous, ne veut rien dire. Enfin, ils s’exposent à une rupture de soins, qui peut être nocive à leur santé mentale. 7 séances suffisent rarement à régler un problème.
- Et pour les psychologues libéraux ?
Là encore, plusieurs éléments posent problème. D’abord, le prix des séances, fixé à 40 euros pour celle d’évaluation et 30 pour les autres : aucun psychologue libéral faisant son métier correctement ne peut vivre décemment d’un tel forfait (nous avons entre 40 et 60% de charges fixes). S’offrent alors à lui deux solutions en cas d’intégration au dispositif MonPsy : réduire le temps de ses consultations et les bâcler pour faire du chiffre, ou mettre la clef sous la porte au bout de quelques mois.
Par ailleurs, avec MonPsy, notre code déontologique n’est plus respecté, puisque ce n’est plus le psychologue qui fixe le cadre thérapeutique avec son patient, mais bien le Gouvernement qui se transforme en prescripteur. Le secret médical n’est également plus garanti, puisque le patient est obligé d’aller raconter son intimité psychique à un autre professionnel avant de venir nous voir, et que nous sommes tenus, à la fin des 8 séances, de faire un compte rendu au médecin généraliste.
- Certains patients se plaignent que leur mutuelle arrête de prendre en charge les soins psychologiques depuis la mise en place du dispositif MonPsy. C’est une tendance que vous constatez également ?
Oui, les mutuelles ont quasiment toutes décidé de supprimer leurs forfaits psychologiques à cause de ce nouveau système. Le dispositif MonPsy, c’est comme la peste bubonique : il se repend à la vitesse grand V et touche tout le monde.
- N’y a-t-il tout de même pas des choses à sauver dans cette initiative gouvernementale ?
Non, rien du tout. MonPsy n’est pas la solution. Nous, ce que l’on veut, c’est la mort du dispositif, et nous appelons tous les professionnels de la santé mentale à le boycotter.
- C’est une démarche purement électoraliste, selon vous ?
Ce n’est effectivement rien d’autre qu’un coup de com’ électoral, destiné à faire croire aux Français qu’ils peuvent tous aller voir un psychologue libéral gratuitement, ce qui est complètement faux.
- L’accès aux psychologues libéraux est, de fait, la plupart du temps très cher, et beaucoup de Français ne peuvent pas se le permettre. Que faudrait-il faire pour ces gens-là, selon vous ?
Déjà, au lieu de mettre 50 millions dans MonPsy, il faudrait investir dans les structures publiques qui proposent DEJA des soins psychologiques gratuits avec la carte Vitale : les CMP (Centre Médico-Psychologique), les CMPP (Centre Médico Psycho Pédagogique) et les CMPI (Centre Médico-Psychologique Infantile). Cela fait 30 ans que ces dispositifs sont en train de s’écrouler, faute de création ou de renouvellement de postes, de CDI à temps plein et de revalorisation salariale, alors qu’ils fournissent des services psychothérapiques de grande qualité. Dans certaines régions, les délais d’attente pour consulter peuvent aller jusqu’à deux ans, c’est de la folie !
Ensuite, nous ne sommes pas contre un remboursement des séances en libéral, mais pas dans ces conditions. Il faut détruire le dispositif MonPsy pour le reconstruire, en consultant les professionnels de santé, ce qui n’a pas du tout été fait jusqu’ici.