Vous lisez avec effroi la liste des effets indésirables potentiels du médicament que vous vous apprêtez à prendre ? Pas de panique, prenez une deuxième molécule pour limiter les risques ! C’est la solution préconisée dans la revue Science Translationnal Medicine par une équipe de pharmacologues new-yorkais. Ils se sont d’abord intéressés à la rosiglitazone, une molécule utilisée dans le traitement du diabète de type 2, commercialisée sous le nom d’Avandia et retirée du marché européen en 2010 car elle augmentait le risque d’infarctus. En épluchant la base de pharmacovigilance de la FDA, l’agence américaine de sécurité des médicaments, ces pharmacologues ont découvert qu’il y avait beaucoup moins de signalements d’infarctus lorsque les patients s’étaient vus prescrire de la rosiglitazone avec un autre médicament du diabète, l’exénatide, vendue sous le nom de Byetta.
19000 duos de médicaments contre les effets indésirables
« Nous avons trouvé près de 19 000 autres combinaisons de médicaments dans la base, où le second médicament semble réduire significativement l’effet indésirable redouté du premier, explique l’un des auteurs, le Dr Ravi Iyengar. Par exemple, en ajoutant un anti-hypertenseur (du lisinopril) et une statine, on réduit le risque d’atteinte musculaire liée aux statines. En prescrivant un anti-histaminique en même temps qu’un anti-dépresseur de la famille du Prozac, le risque de suicide est complètement réduit ».
« C’est une approche extrêmement intéressante en terme de sécurité du médicament mais aussi de personnalisation des traitements », commente le Pr Christian Riché. Responsable du Centre régional de pharmacovigilance du CHU de Brest, il voit déjà beaucoup plus loin : « Imaginez qu’avant de vous prescrire un ou deux médicaments, votre médecin puisse vérifier dans une grande base de données patients quels sont les effets indésirables subits par les patients du même profil que vous et quelle est la combinaison de traitement la plus appropriée pour vous ».
Ecoutez le Pr Christian Riché, responsable du Centre régional de pharmacovigilance du CHU de Brest : « Vous avez 64 ans, un antécédent d’infarctus et un léger surpoids. Au vu des patients du même profil, on va vous prescrire plutôt ce médicament que celui-là, c’est ça l’avenir de la médecine ! »
La difficulté pour l’heure est d’accéder à ce type de bases de données de santé. La base de pharmacovigilance américaine est en libre accès, mais ce n’est pas du tout le cas de son homologue française « Chez nous, chacun est à cheval sur ses données, l’Assurance Maladie comme les hôpitaux et personne ne veut partager », regrette Christian Riché. Mais de plus en plus de voix se font entendre pour ouvrir l’accès aux données de santé à des fins de recherche et de sécurité sanitaire. Un rapport d’experts vient d’être remis en ce sens à la ministre de la Santé.
Les forums de patients, une base de données géante
Pour Christian Riché, la sécurité du médicament et la pharmacovigilance de demain passera par l’accès à ces bases de données, en complément de la démarche actuelle de recueil des signalements d’effets indésirables par les médecins, les industriels et les patients eux-mêmes. Mais il faudra aussi aller chercher l’information là où elle est. « Sur les forums de patients par exemple. C’est là que les gens échangent sur les effets indésirables qu’ils attribuent à tel ou tel médicament. Pour nous pharmacovigilants, c’est une mine d’information ! » L'ANSM finance d'ailleurs depuis cette année un projet de recherche s'appuyant sur ces données issues de forums de patients.
Ecoutez le Pr Christian Riché : « Au Japon, une société va racheter à Twitter des millions de tweets où les gens parlent de médicaments. Vous vous rendez compte de tout ce qu’il y a comme informations et comme alertes dedans ! »
La ministre de la Santé travaille à une refondation des vigilances sanitaires et notamment de la surveillance du médicament. L'occasion peut-être de passer à la pharmacovigilance 2.0.