Véritable laboratoire flottant, la goélette Tara Ocean, qui sillonne les océans depuis plus de dix ans pour mieux comprendre la biologie marine, a rapporté des dizaines de milliers d'échantillons d'une eau issue de tous les océans du monde.
C'est en étudiant ces échantillons que les chercheurs ont découvert la présence de plusieurs milliers de virus à ARN jusque-là inconnus.
Ces virus à ARN - popularisés par la pandémie de Covid-19, diffèrent des classiques virus à ADN parce qu’ils évoluent beaucoup plus rapidement. Ils provoquent des maladies allant du simple rhume à la Covid-19 ou encore à Ebola, mais ils infectent aussi notre environnement, les plantes ou les animaux. Les échantillons d’eau collectées par Tara Ocean constituent une véritable base de données de séquences d'ARN de plancton, qui est un hôte commun pour les virus à ARN.
Leur présence reste relativement peu étudiée parce qu’il manque aux virus à ARN le code-barre génétique - de courts segments d'ADN uniques - qui permet de distinguer une espèce d'une autre.
Doubler le nombre de groupes biologiques de virus
Cette découverte incroyable vient doubler le nombre de groupes biologiques de virus supposés exister, précisent les chercheurs de l’université de l’État de l’Ohio (États-Unis) qui les ont identifiés. L'astuce employée par les microbiologistes : travailler sur une protéine partagée par tous les virus à ARN. Ou plus exactement sur le gène RdRp qui la code. Car ce gène comporte de petites différences qui peuvent aider à distinguer un type de virus d'un autre. Et puis, il n'apparaît pas dans d'autres virus ou cellules.
Chaînon manquant
Les chercheurs ont différencié 5.504 nouveaux virus à ARN, faisant passer le nombre de groupes biologiques de virus connus de cinq à dix. Ils pensent même avoir trouvé en Taraviricota - un groupe présent dans tous les océans -, le chaînon manquant dans l'évolution des virus à ARN que les scientifiques recherchent depuis longtemps.
Ces travaux ne sont pas seulement importants parce que les virus à ARN peuvent être mortels pour les hommes, ils le sont aussi parce qu'ils éclairent l'évolution de la vie sur Terre. Le gène RdRp pourrait être l'un des plus anciens gènes au monde. Il existait avant même que la vie ait besoin d'ADN.
Rôle central dans les écosystèmes
Les virus à ARN jouent par ailleurs un rôle central dans les écosystèmes: en infectant toutes sortes d'organismes, ils influencent les environnements et les réseaux trophiques au niveau chimique - un réseau trophique est l'ensemble des relations alimentaires entre espèces au sein d'un écosystème, par lesquelles l'énergie et la matière circulent.
Ils pourraient ainsi avoir un rôle à jouer sur la façon dont les océans s'adaptent au réchauffement climatique et dont ils absorbent et stockent environ la moitié du carbone que nos activités émettent dans l'atmosphère.