- Selon l’Organisation mondiale de la santé, sept millions de décès par an sont liés à la pollution de l’air.
- Les particules fines inhalables sont classées cancérigènes de type 1.
- Pour les auteurs, la peroxydasine pourrait devenir une cible dans la prévention des maladies liées à la pollution de l’air.
Plus de 45 000 nouveaux cas de cancer du poumon ont été diagnostiqués en France en 2018. Plusieurs facteurs peuvent expliquer leur survenue : le tabagisme, l’exposition à des substances cancérogènes au travail, et la pollution. En 2013, l’Organisation mondiale de la santé, via le Centre International de Recherche sur le Cancer, a classé la pollution de l’air et les particules fines comme cancérigènes pour les êtres humains. Mais les causes de ce lien entre cancer et pollution de l’air demeurent incertaines. Dans la revue eLife, une équipe de chercheurs de l’université de Nanjing (Chine) fournit des explications.
L’impact indirect de la pollution sur les cellules cancéreuses
Ils ont mené des travaux sur les particules fines et leurs effets sur les cellules humaines. "Des recherches récentes suggèrent que les particules fines inhalables ne favorisent pas directement - et peuvent même inhiber - la croissance des cellules cancéreuses du poumon, précise l'auteur principal, Zhenzhen Wang, chercheur associé à l'Université de Nanjing (NJU). Cela suggère que les particules fines inhalables pourraient provoquer le cancer par des moyens indirects qui favorisent la croissance tumorale." Avec son équipe, il a travaillé sur une hypothèse précédemment évoquée par d’autres chercheurs : les particules fines pourraient bloquer le mouvement et l’action des cellules immunitaires. Pour tester cette théorie, ils ont recueilli des échantillons de particules fines dans sept sites chinois, puis ils les ont testé sur des cellules immunitaires dont le rôle est de lutter contre la croissance tumorale, les cellules T cytotoxiques (CTL), dans une expérience sur des souris. Chez les souris auxquelles on a administré des cellules cancéreuses du poumon qui n'ont pas été exposées aux particules fines, les CTL ont migré dans les poumons pour détruire les cellules tumorales. En revanche, chez les souris dont les poumons ont été exposés aux particules, l'infiltration des CTL a été retardée, permettant aux cellules tumorales de s'établir dans le tissu pulmonaire.
Des cellules ralenties par une modification de la structure des tissus pulmonaires
Dans un second temps, l’équipe scientifique a souhaité comprendre pourquoi les CTL n’allaient pas aussi rapidement dans les poumons, en cas d’exposition à la pollution. En étudiant ces cellules immunitaires, ils sont constaté que les CTL exposées aux particules fines conservaient toujours leur capacité migratoire, mais que l'exposition à la pollution comprimait considérablement la structure du tissu pulmonaire et les espaces entre lesquels les cellules immunitaires se déplaçaient. Une analyse plus approfondie du tissu a montré que les changements structurels étaient causés par des augmentations d'un sous-type de collagène appelé collagène IV. En poursuivant leurs travaux, ils ont constaté que l’exposition aux particules fine provoque des modifications de l’action d’une enzyme, la peroxydasine, responsable de cette hausse de production du collagène. "Cela signifie que partout où les particules fines sont présentes dans les poumons, l'augmentation de l'activité de la peroxydasine entraîne des changements structurels dans le tissu pulmonaire qui peuvent empêcher les cellules immunitaires de pénétrer et de bloquer des cellules tumorales en croissance", souligne Zhenzhen Wang. Selon lui, ces résultats pourraient permettre le développement de nouvelles approches pour prévenir ou traiter les changements pulmonaires initiaux qui conduisent au cancer.