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Personnes âgées, enfants, sportifs

Traumatismes crâniens légers : l’épidémie silencieuse

Les chocs à la tête, même sans conséquences immédiates, peuvent provoquer des troubles neurologiques handicapants, délicats à prévenir et à diagnostiquer.  

Traumatismes crâniens légers : l’épidémie silencieuse SINTESI/SIPA




Une chute, la tête cogne, mais finalement la personne se relève un peu sonnée ou après une très brève perte de connaissance. C’est ce qu’on appelle un traumatisme crânien léger. En France, on estime qu’il en survient 150 000 par an, au domicile, au travail, dans les maisons de retraite, les cours d’école ou sur les terrains de sport. Dans plus de 90%, il n’y a pas de conséquence immédiate, autrement dit, pas d’hémorragie cérébrale. En revanche, pour plus d’un tiers des personnes, des troubles plus ou moins passagers de mémoire, de concentration ou des migraines peuvent survenir au bout de quelques temps sans que l’on pense forcément à incriminer ce récent choc à la tête.

Les Etats-Unis ont fait une priorité de santé publique de cette épidémie silencieuse causée par les traumatismes crâniens légers et du syndrome post-commotionnel qui peut en découler. Des campagnes de prévention ciblées sont organisées depuis 2011 dans les entreprises, les campus, les stades… Dans l’édition d’octobre du journal de leur Académie, les chirurgiens orthopédiques américains soulignent que des symptômes tels que des maux de tête, une fatigue, des étourdissements ou encore des pertes de mémoire affectent 58% des patients, un mois après avoir été blessé. Et entre 15 et 25% des personnes ayant eu un traumatisme crânien mineur ont des symptômes résiduels qui peuvent durer plus d’un an.

Par ailleurs, les traumatismes crâniens légers surviennent fréquemment en même temps que les blessures que les chirurgiens orthopédiques prennent en charge comme les polytraumatismes en cas d’accident de la route ou les fractures des membres inférieurs. Des blessures pour lesquelles les chirurgiens orthopédiques doivent revoir les patients plusieurs semaines après pour une ou plusieurs consultations de suivi, l’occasion idéale pour repérer ceux qui souffriraient des conséquences de leur commotion cérébrale et nécessiteraient une prise en charge.

 


Les chutes des personnes âgées trop banalisées

« C’est une bonne idée de sensibiliser d’autres spécialistes aux traumatismes crâniens légers, commente le Dr Régis Ribéreau-Gayon, urgentiste au CHU de Bordeaux. Mais a priori ces patients-là ont eu autre chose de sérieux qui fait qu’on les surveille. Pour moi, le pire, le plus gros de l’épidémie silencieuse, ce sont plutôt les chutes banales, a fiortiori chez les personnes âgées ». En effet, un bébé qui chute de la table à langer ou un petit enfant qui tombe dans la cour de récréation et se cogne la tête au sol est quasi systématiquement amené aux urgences. Le monde sportif commence également à se préoccuper des commotions cérébrales. Par exemple, la Fédération française de rugby a mis en place depuis 2012 un protocole qui prévoit qu’en cas de choc violent à la tête, le joueur sorte du terrain pendant 10 minutes, le temps pour le médecin de vérifier son équilibre et sa mémoire en lui demandant contre quelle équipe il joue, quel est le score et qui a marqué les derniers points. En revanche, les personnes âgées tombent souvent seules chez elles ou même en maison de retraite et elles ne vont pas systématiquement à l’hôpital si la chute a l’air sans conséquence.


Ecoutez le Dr Régis Ribéreau-Gayon
, urgentiste au CHU de Bordeaux : «  Pas la peine de se précipiter aux urgences à chaque chute. Mais il faut surveiller de près l’évolution dans les jours qui suivent un choc à la tête en apparence bénin ».  


L’hémorragie cérébrale peut survenir sans signe avant-coureur

Lorsque les personnes arrivent aux urgences pour un traumatisme crânien léger, le risque immédiat est l’hémorragie cérébrale, qui peut survenir dans 5 à 10% des cas dans les 24 à 48h qui suivent le choc à la tête. Pour être sûr de ne pas passer à côté, un scanner est presque systématiquement réalisé. « Mais un scanner, c’est long, irradiant et coûteux, ce n’est pas satisfaisant d’avoir à l’utiliser pour pouvoir dire au patient : « comme prévu, vous allez bien ! », souligne Régis Ribéreau-Gayon. Avec des chercheurs de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED) de Bordeaux, il a développé en 2011 un test sanguin, qui permet de doser par une simple prise de sang la protéine S-100B, sécrétée en cas de stress intense par les astrocytes, les cellules chargées de protéger les neurones. En dessous d’un certain seuil de cette protéine, on peut donc sans risque se passer du scanner. « Pour le moment, le test ne permet d’éviter que 20% des scanners, ce n’est pas encore assez efficace pour être utilisé en routine dans tous les services d’urgences », précise le Dr Ribéreau-Gayon.


Un tiers des personnes souffrent de complications

Même lorsque le risque d’hémorragie est écarté, la personne peut présenter dans les semaines qui suivent son choc à la tête des troubles neurologiques passagers : migraines, problèmes de concentration, trous de mémoire, désorientation, troubles de l’humeur ou du sommeil, vertiges …


Ecoutez le Dr Régis Ribéreau-Gayon
, urgentiste au CHU de Bordeaux : « On parle de signes subjectifs car on ne retrouve aucune trace de lésion si on fait un scanner ou une IRM. Mais pour les patients, ce sont des symptômes très handicapants au quotidien ».  

 

Les médecins et les personnes elles-mêmes ne relient pas forcément ces symptômes à leur choc à la tête, on peut pourtant parler de syndrome post-commotionnel. Après un traumatisme crânien léger, une personne sur trois environ en souffre. Mais au moment où la personne est examinée par un médecin juste après sa chute, il est difficile de prédire si elle va présenter ces complications qui peuvent durer plusieurs mois. Ni la violence du coup, ni la durée de la perte de connaissance ne semblent directement reliées à l’apparition de ces symptômes. « On ne sait pas encore si c’est que le cerveau garde la trace d’avoir été lésé même très légèrement ou si c’est une conséquence psychologique du traumatisme, comme le stress post-traumatique observé, toutes proportions gardées, chez les victimes de guerre ou d’attentat », explique l’urgentiste bordelais.


Ecoutez le Dr Régis Ribéreau-Gayon
, urgentiste au CHU de Bordeaux : « Lorsque que le choc à la tête est survenu lors d’une agression, les personnes présentent beaucoup plus souvent des séquelles que lorsqu’il s’agit d’une chute accidentel, ce qui plaide pour une forme de stress post-traumatique ».


« C’est une épidémie doublement silencieuse, souligne le spécialiste. De nombreuses personnes âgées échappent à tout diagnostic et même lorsque le traumatisme crânien léger est repéré, nous ne savons pas bien anticiper chez qui les complications vont survenir ». D’où l’importance de sensibiliser chacun au fait qu’un choc à la tête, même apparemment sans conséquence sur le moment, n’est pas anodin.


Astérix et Obélix accusés

Lorsqu’ Astérix ou Obélix assomment un légionnaire romain, il se relève sans séquelle. C’est ce qui ressortait en 2011 d’une étude menée par des neurochirurgiens allemands. Après analyse des 704 cas de traumatismes crâniens infligés par les deux Gaulois au cours de leurs 34 aventures, les auteurs reprochaient à Uderzo et Goscinny de ne pas traiter les traumatismes crâniens avec suffisamment de sérieux et de contribuer ainsi à leur banalisation !

 

 

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