- Un message viral prétend que l’oignon est un remède approuvé contre la morsure de serpent ce qui est faux, alertent des toxicologues
- L’anti-venin est le seul traitement efficace contre les morsures de serpent graves, d'après les experts
“Le seul traitement efficace est un sérum antivenimeux” voilà la réponse des toxicologues contactés par l’AFP à une publication partagée 18.000 fois sur Facebook depuis fin avril et qui conseille de consommer trois gros oignons en cas de morsure de serpent, pour "vomir tout le venin" répandu dans l’organisme.
"REMÈDE CONTRE LA MORSURE DE SERPENT. Remède testé et approuvé", assure l’auteur de ce message abondamment relayé en Afrique francophone depuis le 28 avril 2022.
Aucun effet
Or, "manger des oignons n'a aucun effet contre le venin de serpent", explique à l'AFP Ashley Kemp, directrice à l’African Snakebite Institute, un organisme sud-africain spécialisé dans la recherche sur les morsures de serpents.
Elle souligne d’ailleurs que "manger des oignons donnerait très probablement des nausées à la victime d'une morsure de serpent, ce qui pourrait plutôt entraîner de graves complications".
Cette experte prévient également que le venin de serpent est de composition complexe et varie d'une espèce à l'autre. "Il peut même y avoir des variations dans la puissance du venin au sein d'une même espèce", affirme-t-elle.
Le venin de serpent est généralement divisé en trois catégories en fonction des toxines qu'il contient: le venin neurotoxique qui affecte le système nerveux (les mambas et plusieurs cobras, en particulier le cobra du Cap); le venin cytotoxique affecte les tissus et les cellules musculaires (le Puff adder, le Gaboon adder et le Mozambique spitting cobra) et les hémotoxines (le boomslang et le serpent brindille).
Problème de santé publique majeur
Cette fake news a autant d’échos parce que les morsures de serpent représentent un problème de santé publique majeur en Afrique où l'OMS estime entre 435.000 et 580.000 le nombre de morsures nécessitant un traitement par an.
De plus, l’Afrique n’a pas actuellement assez d'anti-venins efficaces, d'un coût abordable et en quantités suffisantes pour soigner les victimes de serpents venimeux, regrettent les spécialistes et organisations œuvrant en première ligne contre les effets ravageurs de ces morsures.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que chaque année, elles sont la cause de 81.000 à 138.000 décès au moins et d’environ trois fois plus d’amputations et d’autres incapacités définitives. Leurs dégâts dans l’organisme sont considérables:
Le venin de serpent peut notamment "entraîner une paralysie pouvant bloquer la respiration; des troubles sanguins aboutissant à des hémorragies fatales; des insuffisances rénales irréversibles et des lésions tissulaires susceptibles de provoquer des incapacités définitives et l’amputation d’un membre", détaille l’OMS.
Gestes qui sauvent
D’où la nécessité de connaître les gestes qui sauvent si la morsure est grave: immobiliser d’abord la victime puis la conduire dans un centre médical le plus tôt possible pour se voir administrer un anti-venin ou un sérum antivenimeux, si besoin.
Dans un exposé sur les envenimations par morsure de serpents, le Dr Fabien Taieb, médecin infectiologue au centre de recherche translationnelle de l’Institut Pasteur de Paris, conseille de l’administrer "le plus rapidement possible" à l’hôpital et "par voie intraveineuse”.
Selon Ashley Kemp, "peu de victimes de morsures de serpent sont traitées avec un antivenin (moins de 20 % des personnes hospitalisées après une morsure de serpent). La plupart des victimes ne sont pas gravement envenimées ou la morsure peut provenir d'un serpent qui n'est pas considéré comme potentiellement mortel ou n'est pas couvert par l'antivenin", indique-t-elle.
"La majorité des serpents contrôlent leurs glandes à venin et sont assez réticents à gaspiller leur venin sur les humains. Ils donnent très souvent des morsures «sèches» sans symptômes ultérieurs d'envenimation ou le serpent peut injecter un peu de venin qui causera une gêne ou certains symptômes mais rien de grave. Ces patients sont généralement hospitalisés pendant une journée, surveillés attentivement puis renvoyés chez eux", explique la spécialiste.