Délais sans fin, manque de personnel, violation du secret médical... Dans un rapport alarmant publié ce mercredi 6 juillet, l'Observatoire international des prisons (OIP) dénonce un accès très compliqué aux soins spécialisés pour les détenus en France (hors soins psychiatriques).
Premier problème pointé par ce bilan : les délais interminables avant d'espérer obtenir un rendez-vous, à savoir plusieurs mois – voire jamais – pour les spécialités les plus demandées (soins dentaires, kinésithérapie, cardiologie, ophtalmologie...).
« Arracheurs de dents »
Pour les soins à l'intérieur même des prisons, c'est plutôt le manque de personnel, de matériel ou de locaux adaptés et de budget qui sont en cause. Cités par l'OIP, des soignants décrivent les « systèmes D » mis en place : « l'auto-rééducation » prescrite faute de kinésithérapeute, la douleur traitée « avec de grosses prescriptions de morphine » malgré le risque de dépendance, les interventions dentaires « par défaut » effectuées par des praticiens parfois réduits à de simples « arracheurs de dents ». Selon le rapport, les soignants subissent également les « interférences » du milieu pénitentiaire, et notamment les nombreux « refus » de prescriptions (douches « médicales », régimes alimentaires particuliers, lits médicaux qui ne passent pas les portes des cellules, béquilles, prothèses, etc.).
Alors que les détenus sont amenés, par manque de personnel/équipement ou pour une opération chirurgicale, à sortir de prison pour certains soins (entre 30 000 et 50 000 extractions médicales pour 2020, selon les autorités), ces sorties sont très souvent annulées en dernière minute, souvent faute d'escorte disponible, dénonce l'OIP. Au point que le médecin soit parfois contraint de « choisir » entre une urgence et une IRM « prévue depuis des mois », a décrit devant la presse la médecin-cheffe de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, Anne Dulioust, citée par Sud Ouest. Souvent aussi, reconnaît l'OIP, c'est le détenu lui-même qui annule son rendez-vous médical. A cause du travail ou d'un parloir, mais aussi par « crainte de conditions d'extraction indignes », d'« humiliations » et de la « violation du secret médical », assure l'association.
La France déjà condamnée
En théorie, l'administration pénitentiaire définit quatre niveaux de « méthodes » d'escorte, en fonction de la dangerosité du détenu. Mais, en pratique, insiste l'OIP, « dans l'immense majorité des cas, menottes et entraves sont généralisées », voire maintenues pendant les consultations médicales. « J'avais les menottes aux mains et l'attache à la taille, en laisse comme un chien », a témoigné un détenu dans le rapport. « J'ai fait ma coloscopie attaché au lit, avec l'escorte présente dans la pièce », a écrit un autre.
Dans la majorité des cas (et en violation du secret médical), le ou les surveillants restent dans la pièce, parfois même pendant les interventions chirurgicales. Ces pratiques ont d'ailleurs valu à la France une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en 2011. Depuis, la situation ne semble pas avoir évolué en substance. Ce rapport présage-t-il d'un futur nouveau coup de semonce par la haute juridiction ?