C’est une donnée statistique qui distingue l’épidémie actuelle de variole du singe en Europe de celles observées dans une dizaine de pays africains. En effet, les cas recensés, notamment en France, sont quasi exclusivement des hommes et la plupart d’entre eux ont eu des relations sexuelles avec d’autres hommes - personnes dites « HSH » (Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes).
98 %
D’après une étude publiée la semaine dernière dans la revue scientifique New England Journal of Medicine et portant sur 528 infections diagnostiquées entre le 27 avril et le 24 juin 2022, sur 43 sites dans 16 pays, 98 % des personnes infectées étaient des hommes homosexuels ou bisexuels, 75 % étaient d'origine caucasienne et 41 % étaient infectées par le virus du sida. L’âge médian était de 38 ans. Les scientifiques soupçonnent que la transmission s'est faite par voie sexuelle chez 95 % des personnes infectées.
"Il est important de souligner que la variole du singe n'est pas une infection sexuellement transmissible dans le sens traditionnel du terme ; elle peut s'attraper par n'importe quel contact physique proche" avec une personne infectée, a précisé l'auteur principal de l'étude, John Thornhill. "Mais notre travail suggère que la majorité de la transmission jusqu'ici est liée à une activité sexuelle", sans que cela soit la seule cause.
Chiffres incomplets ?
Cette surreprésentation de la communauté gay et bisexuel dans le nombre de cas déclarés pourrait s’expliquer par différents facteurs.
D’abord, la difficulté de poser un diagnostic à cause des symptômes non spécifiques qui pourraient faire passer la variole du singe pour de l’herpès ou la syphilis. En effet, en plus des symptômes habituellement rapportés dans les zones d’endémie (de la fièvre, des douleurs musculaires, une grande fatigue, puis une éruption cutanée étendue), certains patients souffrent de nouvelles affections comme une angine ou une inflammation de la muqueuse rectale, appelée rectite.
Ainsi, dans l’Hexagone, les chiffres de Santé publique France qui font état de 1 567 malades dans le pays depuis mai seraient potentiellement incomplets.
Multiplicité des partenaires
"La variole du singe ne concerne pas que cette communauté, même si les cas y sont surreprésentés actuellement", selon Yannick Simonin, maître de conférences à l’université de Montpellier et spécialiste des virus émergents.
Il apparaît que ce qui fait que la maladie se propage particulièrement est la multiplicité des partenaires sexuels, indépendamment de l’orientation sexuelle. En effet, 74 % des cas renseignés en France déclarent avoir eu plus de deux partenaires sexuels dans les trois semaines avant l’apparition des symptômes. Parmi les cas investigués sur le territoire, 26 % sont séropositifs au VIH.
" Nous manquons d’informations complètes, mais les données confirment plutôt un événement d’introduction unique puis la propagation, notamment dans la communauté HSH, suite à des événements superpropagateurs", précise M. Simonin.
Les foyers apparus en Espagne et en Belgique pourraient ainsi être à l’origine de la propagation très rapide du virus au sein de la communauté gay. Une centaine de cas positifs ont été détectés après la Gay Pride du Yumbo de Maspalomas, aux îles Canaries, alors qu’un autre foyer surgissait au même moment au festival Darklands, en Belgique, début mai.
Ne pas stigmatiser
La variole du singe se transmet par contact direct, notamment par les muqueuses et les lésions cutanées ou par contact avec des surfaces ou des objets contaminés, indique l’Agence Régionale de Santé. Elle peut également se transmettre par des gouttelettes respiratoires, à courte distance et lors d’une exposition face à face prolongée.
"Toute personne ayant un contact physique étroit avec une autre personne qui a contracté la variole du singe est à risque, quelle que soit son orientation sexuelle", souligne Simonin qui appelle à "faire attention à ne pas stigmatiser la communauté homosexuelle".
Hier, l’Inter-LGBT (Interassociative lesbienne, gay, bi et trans, qui fédère une soixantaine d'associations) a demandé dans un communiqué une "prévention accrue, factuelle et non-jugeante", en rappelant "le droit à chacun et chacune de vivre sa sexualité pleinement avec le nombre de partenaires qu’ils ou elles souhaitent, tout en prenant en compte la réalité de l’épidémie".
Avec près de 17 000 cas dans le monde, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclenché le plus haut niveau d’alerte pour la variole du singe, le 23 juillet.