Des temps rallongés dans les transports en commun, des semaines qui dépassent largement les 35H, et un stress plus important, c'est la réalité du travail pour de nombreux Franciliens. Un constat pour le moins inquiétant que l'Observatoire régional de santé Île-de-France (ORS) corrobore ce lundi à l'aide de chiffres. Avec ses données sur « Santé et travail des Franciliens », issues de l’exploitation régionale du Baromètre santé 2010 de l'INPES, l'Observatoire dresse un comparatif entre la vie professionnelle en Île-de-France et celle dans le reste du pays. Alors, à l’occasion de la semaine européenne de la sécurité et santé au travail, qui se déroule du 21 au 25 octobre, pourquoidocteur vous dévoile ces résultats inédits sur les conditions de travail dans la France d'aujourd'hui.
Île-de-France : moins de pénibilité au travail, mais plus de fatigue nerveuse
En Île-de-France, les hommes et les femmes sont plus nombreux à déclarer être fatigués nerveusement par leur travail (environ 70 %), comparés aux personnes travaillant dans les autres régions de France. A l’inverse, ils sont moins nombreux à déclarer une pénibilité physique (46,7 %).
Mais sur cette question de la pénibilité, souvent évoquée lors des débats sur les retraites, un chiffre inquiète toutefois les statisticiens de l'Observatoire. Ces derniers font remarquer que les Franciliens sont tout de même 40,9 % à affirmer travailler dans des postures pénibles ou fatigantes.
Enfin, 26,7 % d'entre eux éprouvent des difficultés à s’endormir du fait de leur travail. Pas rassurant lorsqu'on sait que de nombreux chercheurs s'accordent pour dire que le sommeil est profondément connecté avec une bonne santé et les performances au travail.
Ecoutez Nathalie Beltzer, chargée d’études à l’Observatoire régional de santé d’Ile de France : « C'est certainement dû aux types d'emplois occupés. Les cadres plus nombreux en Île-de-France sont davantage confrontés à une fatigue nerveuse...»
Concernant la durée de travail, là encore, l'Ile-de-France se distingue. Les Franciliens interrogés sont, en effet, 47,7 % à travailler entre 36 et 47 heures hebdomadaires. Ils seraient même 15 % à travailler 48h ou plus par semaine ! A contrario, les personnes vivant hors de l'Île-de-France travaillent plus souvent 35 heures par semaine ou à temps partiel (43,5 % contre 37,3 % des Franciliens).
La crainte de ne pas atteindre les objectifs fixés par l'entreprise
Parmi les actifs franciliens, 36 % déclarent avoir des difficultés à respecter les objectifs ou les délais fixés par leur entreprise. 22,2 % estiment aussi ne pas bénéficier d’un soutien satisfaisant dans les situations difficiles au travail et 43,5 % rencontrent des situations de tension avec le public.
Et s'agissant de cette pression psychologique, les hommes sont significativement plus nombreux que les femmes à déclarer avoir des difficultés à respecter les objectifs ou délais (40,4 % contre 31,5 %). « Des différences certainement expliquées en partie par le fait que les hommes et les femmes n’occupent pas les mêmes types d’emploi », précise Nathalie Beltzer. « Les hommes occupent, il est vrai, encore plus souvent des postes à responsabilités », rajoute-t-elle.
Malheureusement, cette crainte de ne pas atteindre les objectifs entraîne bien souvent un stress chez les salariés. Et parfois, stress au travail rime avec coeur qui déraille. Selon une étude menée dans 7 pays d’Europe sur près de 200 000 travailleurs et publiée au mois de septembre dans The Lancet, le stress au travail augmente de 23 % le risque d’infarctus. Résultat marquant de cette grande étude européenne, quelque soit le métier, le mode de vie, l’âge, le sexe ou la nationalité du travailleur, le sur-risque d’infarctus est identique. Preuve que le stress au travail est, en lui-même, un facteur de risque.
Ecoutez Marcel Goldberg, épidémiologiste de l’unité Inserm 1018 Epidémiologie et Santé des populations : « Gaziers, administratifs des ministères, hospitaliers, les effets du stress pour le cœur sont les mêmes pour tous...» (le 14/09/2012)
Les plus âgés constatent un dégradation de leurs conditions de travail
Dernier constat sur les conditions de travail en Île-de-France, 43,2 % des actifs occupés estiment que leurs conditions de travail sont restées à peu près identiques depuis 5 ans, alors que 28,6 % estiment qu’elles se sont dégradées et 28,2 % qu’elles se sont améliorées.
Si le fait de conserver des conditions de travail identiques depuis 5 ans ne diffère pas selon l’âge du répondant, le fait de voir ses conditions de travail se détériorer ou s’améliorer est significativement lié à l’âge. En effet, selon l'ORS, plus le répondant est âgé, plus il déclare une détérioration de sa situation. Notons cependant qu'il n’y a pas de différence significative entre les Franciliens et les Franciliennes.
Alors, la dégradation des conditions de travail est-elle un effet de la crise ? Sur ce point là, les auteurs n'apportent pas de précision. Mais une chose est sûre, depuis la crise économique de 2009, les Français sont devenus les champions d'Europe du surprésentéisme. Cette expression signifie le fait pour un salarié de venir travailler alors que son état nécessite un arrêt maladie. 55 % des travailleurs français sont concernés. Avec bien souvent, des conséquences désastreuses pour le salarié, mais aussi pour l'entreprise.
Ecoutez Denis Monneuse, sociologue, spécialiste de la santé au travail : « En ne prenant pas un temps de convalescence nécessaire, le salarié risque de mettre plus longtemps pour guérir. Mais le surprésentéisme a aussi un coût pour l'entreprise...» (le 13/09/2013)
(1) En 2010, l’INPES a reconduit le Baromètre santé, qui aborde les différents comportements et attitudes de santé de la population résidant en France métropolitaine. L’échantillon national est composé de 27 653 personnes âgées de 15 à 85 ans dont 4 440 Franciliens (1 952 hommes et 2 488 femmes).