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Antibiorésistance

Illustration du désastre des microbes résistants, les migrants mineurs isolés s'infectent en France

Par Camille Sabourin

Les microbes résistants par exemple à la pénicilline sont plus fréquents chez les réfugiés et demandeurs d’asile arrivant en Europe, illustration de la situation préoccupante dans nos hôpitaux.

wacomka / iStock

Les médecins du CHU d'Angers ont fait une étude auprès de mineurs isolés qui montre qu’ils ne sont pas porteurs de ces microbes quand ils arrivent en France. Leurs conditions de vie précaires et en communauté de misère en font des proies de choix pour ces microbes qui sont déjà un fléau qui menace de nombreux hospitalisés dans notre pays ; ce sont les responsables des fameuses infections « nosocomiales » qui touchent 1,4 million d’hospitalisés en France chaque année et en tuent entre 7 et 10 000… En cause, notre consommation immodérée d’antibiotiques…

La surconsommation d’antibiotiques, un vrai danger pour la planète

La consommation d’antibiotiques a augmenté de 65% en 15 ans. Une situation intolérable pour les spécialistes des maladies infectieuses qui, depuis quelques années, se posent une étrange question : doit-on craindre une épidémie planétaire contre laquelle les antibiotiques ne pourront rien ? La réponse est oui, si l’on continue a distribuer ces médicaments n’importe comment, tant chez les humains que les animaux…

La France est le 4e pays européen en termes de consommation d’antibiotiques ; ce qui est une mauvaise performance, compte tenu des efforts déployés pour apprendre à moins les consommer, mais ce qui signifie aussi qu’il y a des pays pires que nous et que le problème est réellement international.

Si la résistance aux antibiotiques continue à progresser à ce niveau d’intensité, sans autre option de soin, il y aura bientôt des infections banales que l’on ne pourra plus soigner, alertent les  spécialistes.

On arrive aujourd’hui à une situation impensable lors de la découverte de ces médicaments qui semblaient d’une puissance incroyable : l’homme risque un jour de décéder d’infections jugées banales il y a encore quelques années, uniquement parce qu’un microbe sera devenu résistant à tous les produits disponibles. Ce scénario, qui paraissait incroyable, n’a rien de la science fiction, et l’augmentation continue des cas et des morts par infection nosocomiale – ces infections que l’on attrape à l’hôpital alors que l’on est hospitalisé pour toute autre raison – est là pour en témoigner. Le monde hospitalier est un gigantesque bouillon de culture, une base arrière de microbes qui y trouvent les forces pour devenir des agents dévastateurs.

Microbe ultra-résistant

Le combat contre les microbes, que l’on pouvait espérer terminé, est très loin d’être gagné. C’est même un combat très inégal. Un million de milliards de millions de microbes un peu partout sur notre planète contre 6 milliards et demi d’individus qui croyaient, il y a soixante-dix ans, avoir gagné le combat avec la découverte des antibiotiques. 

Des centaines de milliers de tonnes de ces médicaments ont été déversées dans la nature ou consommées par les humains, sans réserve ni précaution. Conséquence, les bactéries ont mutées et sont devenues résistantes. Un microbe n’est pas un organisme frustre, mais une machine infernale rompue à la guerre totale. Dotée d’une vraie intelligence qui nous dépasse un peu, compte tenu de sa taille et de sa simplicité. Chaque nouvel antibiotique est salué, quelques années plus tard, par la transformation du microbe qui apprend à lui resister. Nos militaires sont moins rapides contre les nouvelles méthodes de guerre…

Pression des malades

Si le combat est perdu d’avance, on peut se poser la question de savoir à quoi servent ces spots publicitaires – « les antibiotiques, c’est pas automatique » – auxquels personne n’a échappé, et qui prônent la lutte contre la prescription abusive d’antibiotiques ? Ils ont d’abord eu le mérite d’aider le médecin, pour qui le refus de prescrire reste un moment délicat. Aujourd’hui, c’est même un peu l’inverse, et celui qui donne des antibiotiques passerait presque pour un ringard. Mais avec le mauvais temps, et le retour des bobos de l’hiver, la demande des patients reste pressante, en particulier en cas d’angine. Pourtant, le paracétamol, associé à l’aspirine (seulement chez l’adulte), règle le problème dans 80 % des cas, puisqu’il s’agit d’une angine due à des virus sur lesquels les antibiotiques n’ont aucun effet.

En même temps qu’un peu d’ordre doit être mis dans l’utilisation médicale des antibiotiques, il faut aussi s’attaquer aux millions de tonnes déversées dans la nature, principalement pour l’élévage des animaux consommés par l’homme. Mais c’est un débat qui échappe au monde de la santé…