La sécheresse s’est installée en France, et les orages ne devraient pas permettre d’y remédier. D’autres pays dans le monde souffrent aussi du manque d’eau. La pluie, lorsqu’elle finit par tomber, aide pour les cultures, l’élevage, mais elle ne permet pas de combler tous les besoins humains. Une récente étude, parue dans Environmental Science & Technology, le confirme. Selon ses conclusions, cette eau tombée du ciel est impropre à la consommation, même dans les endroits les plus préservés de la planète.
Des seuils drastiquement abaissés
Des substances appelées "per- et polyfluoroalkylées (PFAS)" sont présentes dans l’atmosphère. Il s’agit de produits chimiques artificiels dangereux. Ils sont qualifiés de produits chimiques éternels, dans la mesure où ils s’accumulent dans l’organisme et persistent longtemps dans l’environnement.
Ces dernières années, différentes recherches ont révélé l’ampleur de leur toxicité, si bien que les échelles de risque ont fortement baissé. "Par exemple, la valeur des directives en eau potable pour une substance bien connue dans la classe PFAS, à savoir l'acide perfluorooctanoïque, a été divisée par 37,5 millions aux États-Unis", avance Ian Cousins, l'auteur principal de l'étude et professeur au Département des sciences de l'environnement de l'Université de Stockholm.
Les PFAS sont associés à de graves problèmes de santé. Ils peuvent favoriser le cancer, perturber l'apprentissage et le comportement des enfants, augmenter le risque d'infertilité ou de complications de la grossesse, générer une hausse du taux de cholestérol et des troubles du système immunitaire.
"L'eau de pluie serait jugée dangereuse"
L'équipe de l'Université de Stockholm a réalisé des travaux en laboratoire et sur le terrain pour évaluer la présence atmosphérique et les déplacements des PFAS ces dix dernières années. Leurs conclusions montrent que les niveaux de certains d’entre eux ne diminuent pas, malgré leur élimination progressive par le principal fabricant, 3M, depuis vingt ans. Ils sont d’abord présents à la surface de l’environnement, mais pénètrent dans l’atmosphère par l’évaporation notamment.
"Sur la base des dernières lignes directrices américaines pour les PFAS dans l'eau potable, l'eau de pluie serait jugée dangereuse à consommer partout dans le monde, poursuit Ian Cousins. Bien que dans le monde industriel, nous ne buvons pas souvent l'eau de pluie, de nombreuses personnes dans le monde pensent qu'elle est propre à la consommation et elle fournit un bon nombre de nos sources d'eau potable." Même en Antarctique ou sur le plateau tibétain, des zones reculées et préservées, les taux dépassent ces seuils. "Il est logique de définir une frontière planétaire spécifiquement pour les PFAS et, comme nous le concluons dans le document, cette frontière a maintenant été dépassée", constate le co-auteur, Pr. Martin Scheringer.
Une action urgente nécessaire
Pour Dr Jane Muncke, directrice générale de la Food Packaging Forum Foundation basée à Zurich, qui n’était pas impliquée dans cette étude, cette situation ne peut pas durer. "Il n’est pas possible que quelques-uns fassent des bénéfices économiques tout en polluant l'eau potable pour des millions d’autres, ce qui provoque des graves problèmes de santé. Les grandes sommes qu'il faudra débourser pour réduire les PFAS dans l'eau potable (…) doivent être payées par l'industrie produisant et utilisant ces produits chimiques toxiques, insiste-t-elle. Il est temps d’agir."