- Le fait de parler en dormant est un trouble appelé "somniloquie".
- Les vocalisations verbales surviennent au cours du sommeil lent et du sommeil paradoxal.
C’est un fait : les personnes dorment en général de plus en plus mal. La professeure Isabelle Arnulf, cheffe du service d’exploration du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, s’est intéressée à la "neurologie du sommeil", c'est-à-dire plus aux conséquences qu’au fait de mal dormir en lui-même.
Une agitation nocturne
Bouger, crier, tomber du lit, somnambulisme... Ces gestes sont aussi de grands classiques de la nouvelle façon de voir les troubles du sommeil, tout comme parler en dormant.
Le langage est un mécanisme très complexe dans la vie de tous les jours et peu d’études s’étaient intéressées au "langage de la nuit". Probablement parce que ce n’est pas le symptôme d’une maladie et que peu de personnes s’en plaignent réellement. Sauf dans le cas de terreurs nocturnes qui terrorisent l’entourage, plus que ceux qui en souffrent d’ailleurs, qui ne s’en souviennent que très peu.
Dans une étude impressionnante par l’échantillon, 10.000 enregistrements vidéo parmi lesquels 230 "parleurs" de 50 ans (plus ou moins 20) en moyenne, dont 59 % d’hommes, ont été sélectionnés. 129 d'entre eux présentaient un trouble du sommeil avéré, 87 souffraient de terreurs somnambuliques. Tous ont accepté d’être enregistrés en vidéo. Les chercheurs ont analysé le nombre de mots, les propositions et les épisodes de discours, la fréquence, les lacunes, les pauses, le ton (impératif, négatif, interrogatif), la politesse et les grossièretés, employés durant leur sommeil.
Une évidence : il y a un langage de la nuit conflictuel !
Les médecins ont enregistré 883 épisodes de discours, contenant 59 % d'énoncés non-verbaux (marmonnements, cris, chuchotements et rires) et 3.349 mots compréhensibles. Le plus fréquent était "non ", suivi de près par "merde" et "putain". Ce qui montre l’origine de la motivation à parler : le conflit. Beaucoup d’interrogations (26 %) et près de 10 % contenaient des blasphèmes. La violence verbale a duré plus longtemps dans le sommeil paradoxal (au moment du rêve) et visait principalement à insulter ou à condamner quelqu'un. Les hommes "parlaient" plus que les femmes et utilisaient une proportion plus élevée d'injures. D'après l'étude, dans l'immense majorité du temps, l’expression est conflictuelle.
Bavard mais bien élevé
Une surprise, même endormi, le cerveau conservait au langage la trace du niveau d’éducation de ces parleurs libérés. Même furieux, le dormeur s’exprime bien. Cette étude montre que le cerveau endormi peut fonctionner à un niveau élevé mais que les tensions et les conflits sont ce qui portent le plus à s’exprimer. Ce qui peut paraître logique. Le but des chercheurs est désormais d'élaborer un programme plus vaste qui vise à mettre au point de nouvelles techniques de traitement des cauchemars et surtout des terreurs nocturnes qui gâchent la nuit mais aussi la vie de milliers de personnes.