Du vaccin contre la Covid-19 à celui contre le cancer : les applications de l’ARN messager se développent. D’après des travaux parus Proceedings of the National Academy of Sciences, il serait efficace dans l’élimination des tumeurs chez la souris.
Une nouvelle cible
Les chercheurs de la Tufts School of Engineering, située aux États-Unis, ont réussi là où de nombreux autres scientifiques ont échoué. Plus de 20 vaccins anticancéreux à ARN messager ont été testés lors d’essais cliniques, sans succès. L’ARN (pour acide ribonucléotidique) messager est produit naturellement par les cellules, il permet de copier l’information génétique pour la transmettre par la suite. Lors des précédentes études, les scientifiques étaient confrontés à un problème : une grande partie de l'ARNm se retrouvait dans le foie, ce qui augmentait le risque d’inflammation.
Les chercheurs de la Tufts School of Engineering ont changé de cible pour viser le système lymphatique, où les lymphocytes B, les lymphocytes T et d'autres cellules du système immunitaire se concentrent. "Si l'on considère le corps comme un champ de bataille - contre les virus, les bactéries, les parasites et les tumeurs - et les cellules B et les cellules T comme des soldats, les ganglions lymphatiques sont le camp d'entraînement où les cellules B et les cellules T sont entraînées à être plus efficaces contre l’ennemi", précisent les auteurs de l’étude dans un communiqué.
Des molécules de graisse
Pour réussir à cibler le système lymphatique, les scientifiques ont utilisé la même technique que pour les vaccins contre la Covid-19 : des molécules de graisse. Celles-ci fusionnent avec les cellules du corps, ce qui leur permet de déchiffrer l’ARN messager et de produire des antigènes viraux capables d’activer le système immunitaire. "Ce que nous faisons actuellement, c'est développer la prochaine génération de vaccins à ARNm en utilisant la technologie de délivrance de nanoparticules lipidiques, avec la capacité de cibler des organes et des tissus spécifiques", explique Qiaobing Xu, professeur de génie biomédical, et co-auteur de l’étude.
Précisément, ils ont trouvé une nanoparticule lipidique, qu’ils ont injectée à des souris, par voie sous-cutanée, et qui s’est concentrée sur les ganglions lymphatiques. Comme plus de sérum se dirige vers ces organes, les chercheurs ont découvert que le vaccin contre le cancer était absorbé par environ un tiers des cellules immunitaires. "C'est nettement plus que ce qu'on obtient avec les vaccins conventionnels, et plus de "sergents instructeurs" signifie plus de "soldats" de cellules B et T entraînés et une réponse plus puissante contre les tumeurs", analysent-ils. Dans leur essai, les souris atteintes d'un mélanome métastatique qui ont été traitées avec ce vaccin ont montré une "inhibition significative des tumeurs" et un taux de réponse complète de 40 %, c’est-à-dire sans tumeur et sans récidive à long terme.
De futures applications
Les chercheurs de la Tufts School of Engineering doivent réaliser d’autres essais, pour vérifier que ces résultats sont applicables chez l’humain. Mais ils souhaitent d’ores et déjà développer cette technologie dans le traitement d’autres pathologies. "Nous espérons que l’ARN messager pourrait devenir une plate-forme universelle non seulement pour les vaccins contre le cancer, mais aussi pour des vaccins plus efficaces contre les virus et autres agents pathogènes ", concluent-ils.