« Il y a trop de thyroïdectomies pour des nodules bénins en France » explique le Dr Pierre Fender, médecin conseil national adjoint à l’Assurance maladie. Le magazine Que Choisir Santé pointait récemment du doigt « ces excès de bistouris », qui font courir des risques inutiles aux patients. Ce mardi, l’Assurance maladie a notamment montré, chiffres à l’appui, que les médecins français ne suivent pas à la lettre les recommandations provenant des Sociétés savantes avant de décider d’une intervention.
40% des patients opérés sans cytoponction préalable
Son analyse a porté sur les patients du régime Général porteurs d’un nodule thyroïdien sans hyperthyroïdie opérés en 2010, et sur les examens réalisés dans les 12 mois précédant et suivant l’intervention. L’objectif de travail était d’évaluer si les ablations partielles ou totales de la thyroïde ne revêtaient pas un caractère trop systématique et étaient bien précédées des examens nécessaires.
Alors que les recommandations s’accordent sur le fait que la cytoponction, c’est-à-dire la ponction à l’aide d’une aiguille fine des cellules contenues dans le nodule, est l’un des examens de référence avant d’opérer, n’est pas assez fréquemment pratiquée. L'examen n’est réalisé que chez 40% des patients opérés : respectivement 44% en cas de cancer et 34% en cas de nodule bénin.
Or, un plus grand recours à cet examen permettrait d’éviter les ablations totales de la thyroïde inutiles et non dénuées de complications. En effet, 4% des patients opérés ont des répercussions sur le fonctionnement d’une corde vocale qui peut nécessiter des séances d’orthophonie. De plus, selon l’Assurance maladie, ces pratiques chirurgicales sont très diverses d’une région à l’autre. Certaines comme le Languedoc Roussillon ont une sur-représentation des opérations des nodules bénins.
Ecoutez le Dr Pierre Fender, médecin conseil national adjoint à l’Assurance maladie: « Il y a un lien entre les régions qui ont excès d’ablation de la thyroïde pour nodule bénin et celles qui ont une insuffisance du recours aux cytoponctionx. »
Les données de l’Assurance maladie montrent donc qu’il y a nécessité d’harmoniser les pratiques, d’autant que dans 1/4 des cas de nodules bénins opérés, c’est une thyroïdectomie totale qui est pratiquée, avec les conséquences que cela induit, notamment un traitement hormonal à vie.
Mieux informer médecins et patients
Au vu des résultats de cette étude, l’Assurance Maladie fait donc quelques propositions afin d’améliorer le parcours de soins des patients et surtout de mieux encadrer les ablations de la thyroïde en France. La CNAM va tout d’abord saisir la Haute Autorité de Santé (HAS) sur la nécessité de clarifier pour les différents professionnels de santé concernés le parcours à suivre après découverte d’un nodule thyroïdien, mais aussi sur le choix de la technique chirurgicale (thyroïdectomie totale ou partielle). Actuellement, plusieurs recommandations existent, cependant issues de Sociétés savantes avec des approches du parcours de soins pré-opératoire parfois différentes.
Ecoutez le Dr Pierre Fender : « Il y a urgence à saisir la HAS pour qu’elle édicte des recommandations de façon définitive les recommandations de prise en charge de ces nodules. »
L’Assurance Maladie a également prévu de solliciter la HAS sur l’élaboration d’outils d'aide à la décision qu’elle pourrait promouvoir auprès des patients afin de leur permettre un choix éclairé lorsque ceux-ci font face à plusieurs options ayant des bénéfices et des risques.