Le rapport récent de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) qui ne s'alarmait pas du danger des pesticides peut-il vraiment être pris au sérieux ? Difficile en effet de répondre par l'affirmative, après les révélations chocs de l'Observatoire de l'Europe industrielle (Corporate Europe Observatory -CEO) publiées ce mercredi. Pour Stéphane Horel, journaliste française, principale auteur de l'étude, la majorité des experts de l'EFSA serait en conflit d'intérêts avec le secteur commercial !
L'échec de la nouvelle politique d'indépendance
« Face aux accusations récurrentes concernant l'indépendance de ses experts, l'EFSA, après une première phase de déni, a mis en place en 2012 une nouvelle politique d'indépendance et a renouvelé 80 % de ses experts », rappelle Stéphane Horel dans son rapport.
Suite à ces changements, le CEO a voulu évaluer le système mis en place par l'agence européenne. Pour ce faire, l'Observatoire s'est appuyé sur les déclarations publiques d'intérêts (DPI) effectuées par les experts pour l'EFSA. Résultat, « malgré l'important renouvellement constaté, 122 des 209 experts de l'agence, soit 58,4 %, présentent au moins un conflit d'intérêts avec le secteur commercial », regrette le rapport.
Plus choquant encore, les experts en situation de conflit d'intérêts occupent la tête de tous les groupes scientifiques de l'agence à l'exception d'un. Huit de ces 10 groupes de travail sont présidés par des personnes présentant des conflits d'intérêts et 14 vice-présidents sur 21 sont dans la même situation. La palme a été attribuée au groupe scientifique, « Produits diététiques, nutrition et allergies », qui est la plus touchée par ces conflits d'intérêts.
Des règles d'indépendance trop étroites
Et pour l'Observatoire, l'explication serait à chercher du côté des règles d'indépendance de l'Agence qui sont « trop étroites », parce qu'elles ne concernent que les thématiques abordées par le panel auquel l'expert est appelé à participer. En outre, l'EFSA n'impose aucune période de temps mort : dès que l'activité réalisée pour le compte d'un industriel est achevée, celle-ci n'est plus considérée comme potentiellement problématique.
Enfin, Stéphane Horel et ses confrères dénoncent le fait que le système mis en place par l'EFSA repose sur les déclarations des experts, sans vérification de sa part.
Alors, pour tenter d'expliquer pourquoi de tels conflits subsistent malgré les précédentes affaires (scandale Banati), le CEO estime crucial de rappeler que les experts de l'EFSA ne sont pas rémunérés. « Etre un expert de cette Agence n'est ni bénéfique en termes de carrière, ni attrayant sur les plans scientifique et financier. De ce fait, il est difficile de trouver des experts indépendants travaillant de façon désintéressée pour le bien commun », précise l'Observatoire
Le scandale va-t-il prendre de l'ampleur ?
Pour rappel, cette enquête est publiée deux jours après la publication par l'EFSA d'un rapport rassurant sur les effets sanitaires liés aux pesticides. D'après ces experts, seules deux pathologies pourraient avoir un lien avec une exposition (les leucémies infantiles et la maladie de Parkinson).
Fait marquant, cette analyse était en totale contradiction avec une expertise collective de l'Inserm parue en juin qui établissaient un lien entre l'exposition directe et indirecte aux pesticides et plusieurs pathologies (cancers, maladie de Parkinson, troubles du développement neurologique chez des enfants exposés in utero...)
Pour toute ces raisons, ce rapport de l'EFSA avait déjà suscité de vives critiques, notamment de l'association écologique Générations futures. Enfin, dans un communiqué diffusé ce mercredi, le député européen José Bové (Verts-Alliance libre européenne) considère que « ces nouvelles révélations doivent imposer une remise à plat des différentes agences européennes ! »