Il y a trois ans, une petite fille née avec le virus du sida avait été traitée par antirétroviraux, 30 heures après sa naissance. Grâce à cette thérapie précoce, la fillette ne montre encore aujourd'hui aucun signe d' infection. « Ce cas de guérison fonctionnelle d'un nouveau-né, révélé il y a six mois, n'était donc pas le fruit du hasard », ont déclaré ce mercredi les chercheurs américains du Centre des enfants Johns Hopkins de Baltimore qui s'occupent toujours de cette jeune patiente. pourquoidocteur revient sur cette histoire inédite publiée hier dans le New England Journal of Medicine.
Un mois après sa naissance, le virus est indétectable
« Si nous pouvons reproduire cette affaire, ce sera la preuve que nous pouvons guérir l'infection du VIH », déclarait au mois de mars dernier le Dr Deborah Persaud, virologue américaine et membre de l'équipe de l'Université du Mississipi, témoin de la première guérison « fonctionnelle » d'un bébé atteint du sida.
Dans cette histoire, tout remonte à à l'automne 2010. Une femme enceinte arrive dans un hôpital du Mississippi et donne naissance prématurément à son enfant. N'ayant pas vu de médecin au cours de la grossesse, elle ignore qu'elle est séropositive. Le Dr Hannah B. Gay, professeur en pédiatrie, réalise alors deux prises de sang à une heure d'intervalle pour tester la présence du virus chez l'enfant. Les premières analyses effectuées révèleront un taux de virus à environ 20.000 copies par millilitre, un taux assez bas pour un bébé.
Dès lors, les médecins décident de ne pas attendre les résultats des analyses complémentaires pour agir. 30 heures après la naissance, l'enfant est donc traitée par antirétroviraux. C'est peut-être l'une des clés du succès de cette intervention. Une première surprise a il est vrai été rapportée très tôt par les médecins. Suite à ces traitements, les niveaux de virus diminuent très rapidement dans la sang du bébé. A un mois, le virus est même qualifié comme « indétectable par les médecins. »
A 3 ans l'enfant ne présente toujours aucun charge virale
Malheureusement, l'enfant séropositif ne sera suivi qu'un temps. A ses 18 mois, l'équipe est en effet contrainte d'interrompre le traitement car la maman ne donne plus aucun signe de vie. Lorsqu'elle se représente au centre médical cinq mois plus tard, le Dr Hannah B. Gay s'attend à voir une charge virale élevée chez le bébé. Or, tous les nouveaux tests effectués sur l'enfant se révèlent négatifs. Soupçonnant une erreur de laboratoire, elle ordonne d'autres tests. « Mais à ma grande surprise, l'ensemble de ces tests furent encore négatifs », déclarait-elle à l'époque.à
Pour cette chercheuse, c'est le traitement qui a sûrement permls de neutraliser le virus, l'empêchant peut-être de constituer des réservoirs souvent à l'origine du retour de la maladie. De plus, l'enfant semble avoir développé une immunité personnelle qui est capable de tuer les virus lorsque ces derniers apparaissent.
Aujourd'hui, on ignore encore si le virus a été complètement éradiqué, « car pour le sida, contrairement au cancer, il est difficile de parler de guérison totale », indiquent les scientifiques. Quoi qu'il en soit, sa présence reste à l'heure actuelle tellement faible que le système immunitaire de l'organisme de l'enfant peut le contrôler sans traitement antirétroviral. L'équipe qui continue de suivre la fillette préfère donc parler de « rémission ».
Il faut en effet rester prudent dans cette affaire, comme nous l'expliquait récemment dans pourquoidocteur le Pr Stéphane Blanche, pédiatre à l'hôpital Necker de Paris et spécialiste du sida. Selon lui, « parler de guérison » n'était qu'une hypothèse, « c'est avec le temps que l'on pourra avoir des certitudes », rajoutait-il.
Ecoutez le Pr Stéphane Blanche, pédiatre à l'hôpital Necker: « les auteurs font l'hypothèse que la quantité de virus intégrée dans l'ADN de l'enfant est si faible qu'elle n'entraînera pas d'infection dans le futur. Je crois qu'il faut être très prudent...» (entretien réalisé le 04/03/13)
Mais, si ces résultats se confirment encore à l'avenir, l'enfant née dans le Mississippi serait l'un des rares cas bien documenté de guérison dans le monde. Le premier cas de guérison fonctionnelle a été décrit chez un Américain vivant à Berlin, Timothy Brown, qui avait reçu une greffe de moelle osseuse d'un donneur présentant une mutation génétique rare empêchant le virus du VIH de pénétrer dans les cellules. Au mois de juillet dernier, 2 autres patients américains ont été guéris du sida, eux aussi après une greffe de moelle osseuse.
« Pour la pédiatrie, cette petite fille, c'est notre Timothy Brown », s'était exclamée, il y a six mois, le Dr Deborah Persaud. Cependant, il faut aussi préciser que ces traitements par antirétroviraux ne sont pas sans risque. De nombreux spécialistes du sida rappellent régulièrement que la trithérapie est parfois toxique chez un enfant jeune. Elle peut par exemple conduire à des troubles métaboliques.