Chez l’homme, leur nombre augmente rapidement, puis se ralentit jusqu’à l’âge de 15 ans où, théoriquement, l’idéal, 20 milliards de cellules, est atteint et ne devrait plus bouger. Lorsqu’un humain grossit dans des proportions qu’il juge « acceptables », le nombre de cellules graisseuses n’augmente pas. Elles grossissent et peuvent multiplier leur taille par 50, constituant ainsi de jolis bourrelets ! Toutefois, quand toutes les réserves sont bien pleines, le corps, ne refusant jamais l’abondance, est capable de fabriquer de nouvelles cellules dans des proportions effrayantes : 200 milliards d’adipocytes hypertrophiés chez les grands obèses, dix fois plus que chez un individu normal ! Quand on maigrit, ces cellules en surnombre ne disparaissent pas. On peut les vider de leur surcharge en graisse, mais on ne peut jamais en réduire le nombre, sauf avec une pratique assez brutale, très à la mode dans les cliniques d’esthétique, que l’on appelle la liposuccion. Quand les adipocytes ont appris à trop stocker dès leur plus jeune âge, en particulier à l’adolescence, où les sorties se font rares en raison de l’inactivité, les graisses vieillissent dans la cellule et deviennent beaucoup moins consumables. Les adipocytes se regroupent alors en paquets, séparés par des travées fibreuses qui emprisonnent définitivement les graisses : la cellulite. C’est aussi la raison pour laquelle on reprend très facilement le poids perdu après l'arrêt de la plupart des régimes.
La graisse est en dialogue permanent avec notre cerveau
La graisse, que l’on appelle aussi le tissu adipeux, n'est pas un simple moyen de stockage des graisses. Elle remplit plusieurs fonctions physiologiques, en particulier la fabrication de tout un cocktail de molécules importantes. En cas d'obésité, elle devient dangereuse pour la santé, mais il se pourrait bien, d’après des études très récentes, qu’elle contienne les ressources nécessaires pour lutter contre le surpoids.
On se moque des bedaines... Pourtant, ces surplus de masse grasse qui gênent les mouvements ne méritent pas tout ce mépris. Bien au contraire, le tissu adipeux est devenu depuis une bonne dizaine d’années l’objet d’attention de nombreux chercheurs, biologistes et médecins. Ce n’est plus, comme on l’a pensé pendant des années, un tissu amorphe, peu noble, uniquement dédié au stockage de la graisse. Il est considéré aujourd’hui comme un véritable organe, produisant un certain nombre de molécules qui dialoguent avec le cerveau, le foie, le muscle, le cœur... Une véritable révolution !
En particulier, l’adipocyte est considéré comme le producteur d’une hormone, la leptine, qui « communique » avec le cerveau pour le contrôle de la prise alimentaire...
Ou encore l’adiponectine, qui a des effets sur la sensibilité à l’insuline... Mais ce mécanisme biochimique, encore plus précis qu’un système d'horlogerie suisse, peut être perturbé par le stockage trop important des graisses. Ainsi, un adipocyte hypertrophié produira moins d’adiponectine, c’est-à-dire qu’il sera moins sensible à l’insuline, et donc moins susceptible de libérer les acides gras... Ce n’est pas tout. En situation d’obésité, les adipocytes sont presque considérés par les chercheurs comme des cellules en perte de contrôle. Tout récemment, ils ont démontré la responsabilité de ces adipocytes dans la production en quantité irraisonnée de molécules inflammatoires qui perturbent ensuite les tissus environnants. C’est pour cette raison que la graisse abdominale profonde est considérée comme un grand facteur de risque : diabète, hypertension, maladies coronariennes, mais aussi certains cancers du sein, du côlon...
La meilleure compréhension du tissu adipeux et des processus biochimiques déclenchés par l'obésité permet de chercher de nouvelles pistes thérapeutiques. Par exemple, en permettant à l’adipocyte de reprendre le contrôle de la production des molécules inflammatoires.
Il y aussi d’autres pistes de recherche. Par exemple, les cellules précurseurs des adipocytes qui sont encore présentes dans le tissu adipeux. Ces cellules peuvent se transformer soit en adipocyte blanc, c’est-à-dire en cellule de stockage, soit en adipocyte brun, une cellule beaucoup plus petite qui a la capacité de brûler, de consommer les graisses pour produire de la chaleur. Ces cellules servent chez l’animal aux mécanismes de l’hibernation... De la même manière chez l’homme, elles sont actives chez les bébés pour maintenir la chaleur. En 2009, des équipes ont montré que l’adulte a encore des adipocytes bruns... On pensait que les adipocytes bruns n’étaient plus actifs chez l’homme, mais les chercheurs sont revenus sur cette hypothèse.
Ainsi, le tissu adipeux est loin de n'être qu'un vulgaire réservoir de graisses. Il joue de nombreux rôles physiologiques, et paradoxalement, il pourrait bien receler les ressources nécessaires à la lutte contre l’obésité.