En France, 49,8 cachets d’antidépresseurs sont consommés pour 1.000 habitants par jour. Le chercheur Mark Horowitz, de l’University College de Londres, a lui-même pris chaque jour durant quinze ans du Lexapro, l’un des antidépresseurs les plus consommés, avec le Zoloft ou le Prozac. Il a ensuite choisi de mettre un terme à son traitement, après avoir commencé à développer “des crises d’angoisse, des troubles du sommeil et une dépression”. Cet épisode de sa vie lui a donné l’idée d’approfondir les recherches sur les effets des antidépresseurs. Il est l’un des auteurs d’une étude parue le 20 juillet dans la revue Nature. Parmi les consommateurs d’antidépresseurs, “seulement 15 % en retirent plus de bénéfices que s’ils prenaient un placebo”. C’est ce qu'affiche le magazine américain Newsweek en titre d'un article qui reprend “les découvertes” de cette étude, relayé par le Courrier international.
Antidépresseurs : les effets positifs ne compensent pas toujours les dommages
Les conclusions de cette étude ne remettent pas en cause pour autant l’efficacité largement prouvée des antidépresseurs envers les patients atteints de dépression sévère. Mais ces derniers ne représentent qu’une “petite minorité” (15 %) des consommateurs de ces médicaments. Pour le reste, soit 85 % d'entre eux, les effets positifs apportés par la prise d’antidépresseurs ne suffisent pas à pallier les dommages qu’ils engendrent. “Prendre des inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) n’est pas sans risque, selon Newsweek. De plus en plus de preuves montrent qu’ils créent une dépendance physique et une sorte d’engourdissement émotionnel”.
Selon les auteurs de l’article, ces effets positifs seraient avant tout liés à un effet placebo. Des recherches de la Food and Drug Administration - l’organisme américain qui valide et contrôle les médicaments sur leur territoire - menées à la suite de la publication de l’étude de Mark Horowitz, semblent appuyer cette affirmation. Comme le souligne Newsweek, la publication de ces travaux intervient au moment même où la question du bien-fondé des antidépresseurs crée “un clivage au sein de la communauté psychiatrique”. Selon les auteurs, “certains cliniciens et chercheurs appellent à une nouvelle approche pour traiter la dépression, qui limiterait le recours aux ISRS. D’autres acteurs, parmi lesquels les entreprises pharmaceutiques, insistent sur le fait que les médicaments sauvent des vies, et craignent que de telles études provoquent chez le grand public des doutes au sujet de l’efficacité des ISRS, jusqu’à décourager les personnes qui en ont le plus besoin et pourraient y trouver une aide.”
Dépression : comment définir son niveau de gravité ?
L’une des possibilités afin de mettre un terme à ce problème, suggère le magazine, “serait de distinguer les patients souffrant d’une dépression sévère […] et ceux atteints d’une dépression moins sévère”. Or, il n’existe pas de critères pour réellement définir les niveaux de sévérité d'une dépression. Mark Horowitz l’explique à Newsweek : “Les entreprises pharmaceutiques vous ont convaincus que si vous étiez triste vous devriez consulter votre médecin et chercher un traitement. Ils nous ont fait croire à tous que des aspects normaux de la condition humaine étaient une maladie mentale appelée ‘dépression’. Que des réactions normales à des situations difficiles étaient un problème neurologique chimique qui nécessitait une solution médicale. Ils ont convaincu les gens que ces drogues très ‘douces’ étaient faciles à arrêter. Rien de tout cela n’est vrai.”