L’espoir de guérir un jour définitivement le sida est-il en train de s’éloigner ? La réponse est plutôt oui, même si la fillette née séropositive en 2010 et mise sous antirétroviraux dès sa naissance ne présente toujours aucune trace du sida. En effet, cette information porteuse d’espoir vient d’être chassée par une autre, plus inquiétante. Des chercheurs américains du Howard Hughes Medical Institute viennent en effet de publier une étude dans la revue Cell le 24 octobre révélant que le réservoir de virus du VIH, qui reste caché dans notre organisme, serait 60 fois plus important qu’on ne le croyait.
Des virus dormants qui peuvent se réveiller
Ces « provirus » qui dorment dans certaines cellules ne se répliquent pas, ils sont donc inactifs. Mais les antirétroviraux, qui ne s’attaquent qu’aux virus actifs, ne permettent pas de faire disparaître ces réservoirs. C’est la raison pour laquelle les spécialistes sont incapables de dire à ce jour si un patient dont la charge virale est indétectable depuis plusieurs années peut être considéré comme guéri. Le Dr Hannab B. Gay qui a pris en charge la fillette séropositive traitée dans les heures qui ont suivi sa naissance, émet l’hypothèse que ce traitement précoce a permis de neutraliser le virus et l’a peut-être empêcher de constituer des réservoirs. Mais, ce n’est qu’une hypothèse.
Jusqu’à maintenant, l’évaluation de la taille de ces réservoirs de virus dormant s’était révélée délicate. Les chercheurs américains ont donc mis au point une nouvelle technique pour mesurer non seulement la taille mais aussi la composition de ces réservoirs, en analysant le génome des provirus. Résultat : 88% des virus étaient effectivement incapables de se répliquer mais 12% avaient gardé leur capacité à se multiplier. « Et à notre grande surprise, les provirus que nous jugions intacts au vu de leur séquençage génétique se sont tous admirablement reproduits », a déclaré le Dr Robert Siciliano, principal auteur de l’étude. En se basant sur les 12% de virus potentiellement actifs, les chercheurs sont donc parvenus à une estimation de la taille des réservoirs 60 fois plus importante.
Un nouvel obstacle à la guérison du sida
« Le fossé qui nous sépare de la guérison de cette maladie s’est considérablement creusé, estime le Dr Siciliano. Même si un patient est traité avec succès par des antirétroviraux qui empêche la réplication du VIH, les virus silencieux pourraient réactiver la maladie à tout moment, lorsque le malade n’est plus sous traitement antirétroviral. Les auteurs estiment donc que la mise au point de médicaments ciblant ces virus dormant est indispensable si l’on veut un jour parvenir à une guérison complète du sida.