Changement de braquet dans la maladie d’Alzheimer ! En moins de trois ans, des chercheurs ont réussi à identifier plus de gènes qu’au cours des vingt dernières années. L’Inserm n’hésite pas à affirmer que cette découverte publiée dans la revue Nature Genetics ce 27 octobre constitue « une avancée majeure dans la compréhension de la maladie d’Alzehimer » et que cela s’inscrit dans « la plus grande étude internationale jamais réalisée sur la maladie d’Alzheimer ».
La communauté scientifique, plutôt frileuse avec les superlatifs, ne se montre pas avare cette fois alors que 11 nouveaux gènes de la maladie viennent d’être découverts par l’unité mixte de recherche (UMR) Inserm-Institut Pasteur de Lille-Université Lille Nord de France « Santé publique et épidémiologie moléculaires des maladies liées au vieillissement ». Ces 11 nouveaux gènes permettent bien sûr de mieux cerner le profil génétique des personnes qui risquent de développer la maladie mais c’est aussi un pas de plus vers de nouveaux médicaments qui limiteront les effets négatifs de cette susceptibilité génétique.
Le 1er gène identifié en 1995
Certes, les revues scientifiques regorgent de recherches sur la susceptibilité génétique de telle ou telle pathologie. Mais, pour Alzheimer, les études sur les jumeaux ont démontré que l’origine de cette maladie neurodégénérative était à 60% génétique. « C’est en 1995 que le 1er de gène de susceptibilité génétique à la maladie d’Alzheimer a été découvert, raconte le Pr Philippe Amouyel, directeur de l’unité mixte de recherche 744 et co-auteur de cette étude. Puis, il a fallu attendre 15 ans pour en découvrir neuf autres. Et là, en trois ans, ce sont 11 autres gènes qui ont été découverts d’un coup ». Une accélération de l’histoire qui est due à la collaboration de plusieurs équipes de recherche mais aussi à l’évolution des technologies, et notamment aux nanotechnologies.
Ecoutez le Pr Philippe Amouyel, directeur d’unité Inserm : « Dans cette étude, les nanotechnologies nous ont permis de scanner pas moins de 8 millions de mutations du génome. »
Les quelque 100 laboratoires qui ont collaboré à ces travaux ont tout d’abord mis en commun toutes leurs données. Ainsi, ils ont pu comparer 17 000 malades d’Alzheimer à 37 000 témoins non malades et repérer les mutations génétiques qui les différencient. La puissance statistique est déjà énorme mais les auteurs de ce travail ont, dans un deuxième temps, vérifié leurs résultats en comparant une nouvelle fois plus de 8500 malades à 11312 témoins. Des mailles du filet donc très serrées dans lesquelles ils retrouveront les 11 gènes de la maladie d’Alzheimer, et 13 autres qui doivent encore être contrôlés.
100 labos et 189 chercheurs ont collaboré
Bien sûr, cette « méga » analyse génétique apporte des confirmations, notamment sur le rôle des protéines Tau et amyloïde, mais « cela permet de faire de vraies découvertes, de tomber sur des choses auxquelles on ne s’attendait pas, » insiste le Pr Philippe Amouyel. Des gènes du système immunitaire semblent par exemple jouer un rôle dans la maladie d’Alzehimer, de même que dans le parkinson et la sclérose en plaques.
Ecoutez le Pr Philippe Amouyel : « On n’avait pas d’a priori, on a comparé simplement les génomes. Donc, on a vu apparaître des choses auxquelles on ne s’attendait pas du tout, qui sont des cibles pour de futurs médicaments ».
Pour fouiller dans le génome de plus de 50 000 personnes, il a bien sûr fallu y mettre les moyens, et notamment des moyens en matière grise. Quelques 189 chercheurs ont collaboré à cette chasse génétique. Ce sont donc pas moins de 100 laboratoires dans 14 pays dans le monde qui se sont mobilisés. L’image du chercheur reclus dans sa tour d’ivoire ou même son labo a définitivement vécu. Pour Philippe Amouyel « faire des découvertes sur l’organe le plus compliqué du corps humain, tout seul au fond de sa cuisine, ce n’est tout simplement pas possible. »