“Je savais que l’accouchement ne serait pas spécialement un moment facile, mais ça ne me faisait pas vraiment peur. Mais après cette expérience, c’est l'étape que je redoute le plus pour mon second enfant”, témoigne Mathilde, aujourd’hui âgée de 25 ans. Cette jeune maman a accouché en juillet 2021 dans un hôpital public du nord de la France.
“Le terme était prévu pour le 23 juillet. J’ai eu un premier rendez-vous une semaine avant pour contrôler que tout allait bien. Comme tout semblait ok pour les médecins, ils m’ont dit de rentrer et de revenir le jour du terme si je n’avais pas accouché avant.”
Décollement des membranes : “Le gynécologue m’a dit que ça allait être très douloureux”
Le jour fatidique arrive. Les médecins constatent que le bébé pèse entre 3,8 et 4 kg, mais qu’il reste suffisamment de liquide amniotique pour l’instant. “Je suis donc rentrée chez moi avec pour consigne de revenir deux jours plus tard si la naissance n’avait toujours pas eu lieu.”
Deux jours passent. Les médecins remarquent qu’il n’y a plus assez de liquide amniotique pour le bébé. Un déclenchement est alors programmé le soir-même. “Le gynécologue m’a dit qu’il devait faire un décollement des membranes, que ça allait être très douloureux mais que c’était nécessaire.”
Une fois le décollement effectué, Mathilde et son conjoint sont alors transférés dans une chambre de l’hôpital pour se reposer. “La nuit est une catastrophe. On me pose un monitoring à 23 heures en me précisant que ça va durer 30 minutes… Je le garde finalement jusqu'à 3 heures du matin car le rythme cardiaque du bébé n’est pas très stable. Le personnel soignant décide tout de même de me le retirer quelques heures pour que j’essaye de dormir.”
“La sage-femme a décidé de percer la poche des eaux pour accélérer le travail”
À 6 heures du matin, le nouveau contrôle du monitoring n’est pas concluant. “Mon col n’est même pas ouvert à 3, une sage-femme me dit que je vais devoir attendre jusqu’au lendemain pour procéder au déclenchement. Mais lorsque la nouvelle équipe de l’hôpital arrive à 7 heures, elle décide qu’il est temps pour moi d’aller en salle de travail.”
Le médecin anesthésiste pose alors la péridurale sur Mathilde. Une perfusion avec injection d’ocytocine (une hormone censée accélérer l’accouchement) lui est également administrée. “À ce moment-là, les contractions augmentent. Vers 9 heures j’étais dilatée entre 4 et 5. La sage-femme a alors décidé de percer la poche des eaux pour accélérer le travail.”
Les heures passent et le rythme cardiaque du bébé est toujours aussi instable. “Vers 14 heures, je commence à me sentir très mal, je suis frigorifiée, j’ai une forte fièvre. La poche des eaux aurait-elle été percée trop tôt ? On me met une perfusion d’antibiotiques et de doliprane et on continue à me changer constamment de positions pour le bébé. Lorsque le personnel me remet sur le dos, je ne sais pas ce qu’il se passe mais je perds connaissance… Je retrouve alors mes esprits en position latérale.”
“Le rythme cardiaque du bébé est de moins en moins bon”
“À 16 heures, j’ai toujours de la fièvre et le rythme cardiaque du bébé est de moins en moins bon. Une nouvelle gynécologue reprend mon dossier et trouve que le taux d’ocytocine est trop élevé. Elle décide donc de baisser la perfusion. Mon col est ouvert à 6. Finalement, je n’ai plus de contraction et une autre sage-femme décide de remonter les niveaux afin de relancer le travail. Le rythme cardiaque du bébé ne va toujours pas donc l’équipe décide de prélever quelques gouttes de sang au sommet de son crâne pour contrôler son taux d’oxygène.”
L’examen du pH au scalp est correct, l’équipe médicale décide donc de poursuivre le travail avec l’ocytocine. Un second test est réalisé deux heures plus tard, toujours correct pour les médecins.
“Lorsque la nouvelle équipe arrive à 19 heures, ils me préviennent qu’il va falloir envisager la césarienne car le rythme cardiaque du bébé n’est toujours pas bon. Je commence à fatiguer, j’en peux plus. On me change de position toutes les 20 minutes et ma fièvre ne descend toujours pas. Il est 21 heures lorsque le cœur du bébé s’affole. L’équipe réalise un troisième test pH au scalp, mais cette fois-ci, les résultats sont plus longs à revenir. Avec mon conjoint, on se doute que quelque chose ne va pas.”
Césarienne : “Alors que j’hurle de douleur, mon conjoint arrive”
Le personnel soignant revient et confirme les soupçons des futurs parents : plus de 24 heures après le décollement des membranes et 12 heures après avoir rompu la poche des eaux, il est temps de faire une césarienne.
“Ils me préparent pour la césarienne, ils me disent que tout va bien, qu’on a le temps. Mais dans le couloir, le gynécologue arrive et sermonne les sages-femmes : ‘non mais qui a dit que ce n’était pas urgent ? C’est un code orange ! Dépêchez-vous ! Vous avez vu la couleur de ses urines ? Allez on se dépêche !’”, se remémore encore troublée Mathilde.
“En plus à ce moment-là mon conjoint n’était pas présent car il se préparait pour assister à l'opération. Moi je ne comprenais plus rien, je voulais juste que ça se termine. En arrivant sur la table d’opération je suis toujours sans mon compagnon. Les médecins mettent plus d'anesthésiant via la péridurale et ils essaient de placer un nouveau cathéter, c’est une procédure de prévention au cas où il se passerait quelque chose.”
“Tout va très vite : une interne et un infirmier prennent chacun l’un de mes bras pour essayer de l’insérer dans une veine, mais ils n’y parviennent pas. L’interne insiste une dernière fois et me pique dans un nerf. Alors que j’hurle de douleur, mon conjoint arrive. Les soignants décident finalement d’abandonner la pose du cathéter.”
“Mon corps tremble. Je tremble de tous mes membres tellement je suis épuisée. Une fois de plus tout va vite : l’équipe place un drap et après avoir vérifié que je ne ressentais pas la douleur, le gynécologue m’ouvre le ventre. Il me dit que tout va bien, il a attrapé un bras du bébé. Il pose ma fille sur moi, je la sens mais je ne la vois pas. Elle ne pleure pas non plus. Je ressens des secousses sur mon ventre et finalement j’entends un petit cri. Une sage-femme l’emmène alors dans une autre salle avec mon conjoint pour effectuer ses premiers soins.”
“Pendant qu’ils trifouillent encore dans mon ventre, on me dépose mon bébé sur moi juste devant ma tête. Mais je suis très fatiguée et elle est très lourde. Elle glisse, je n’arrive pas à la porter, ni à respirer. Finalement mon conjoint la récupère. Le personnel médical s’affaire toujours dans mon ventre : il n’arrive pas à récupérer tout le placenta. Nouvelle dispute de l’équipe par le gynécologue : il faut me refermer au plus vite, c’est trop long.”
La fille de Mathilde est née à 22h19. 4,045 kg. Une gynécologue expliquera ensuite à la jeune maman que la césarienne était inévitable depuis le début : la position et le poids du bébé rendaient l’accouchement par voie basse impossible. Ces informations étaient pourtant inscrites dans son dossier médical.
Post-accouchement : une nouvelle hospitalisation pour une sévère infection
Neuf jours après cet accouchement difficile, la jeune maman est hospitalisée d’urgence. Mathilde a 41°C de fièvre et sa fréquence cardiaque est à 177 battements par minute : elle souffre d’une infection sévère, une pyélonéphrite (infection du rein). “Je ne sais pas si c’est lié à l’accouchement, mais une gynécologue est passée me voir dans ma chambre pour me dire que cette infection aurait pu arriver même sans la césarienne.”
Avec le recul, la maman explique regretter d’avoir accouché dans cet hôpital. “Je n’aurais pas dû choisir cet hôpital. C’était mon premier accouchement donc j’étais bête et disciplinée. Je ne comprends pas pourquoi on a tant cherché à pousser pour avoir un accouchement par voie basse. Mon bébé a dû subir trois ouvertures sur son crâne avant même sa naissance ! Je pense que les équipes médicales font ça pour avoir un faible de taux de césariennes, car l’hôpital s’en vante beaucoup sur sa brochure.”