« Un médicament sur deux n'est pas consommé, entraînant de la pollution lorsqu'ils sont jetés, des gaspillages et parfois même une automédication dangereuse lorsqu'ils restent dans les placards », a fait valoir hier à l'Assemblée nationale la ministre de la Santé Marisol Touraine. C'est pour toutes ces raisons que les députés ont adopté vendredi en 1ère lecture des expérimentations de vente à l'unité de certains antibiotiques. Ces expérimentations se feront avec des pharmacies volontaires, dans des conditions fixées par décret. Les députés ont par ailleurs réduit la durée de ces expérimentations à trois ans, contre quatre dans le projet initial, afin de décider plus rapidement de leur extension ou non. Les élus ont également voté des amendements prévoyant une consultation des professionnels pour fixer les modalités de l'expérimentation ainsi qu'une information de l'assuré par le pharmacien. Mais alors, quelles sont les économies attendues par cette mesure qui vise avant tout à réduire les dépenses de santé qui creusent chaque année le déficit de la Sécurité sociale ?
Un député propose d'aller encore plus loin
Parmi les défenseurs inconditionnels de cette mesure figure en premier lieu le député UMP Céleste Lett, favorable à la vente à l'unité de médicaments depuis plusieurs années. Mais dans un communiqué de presse récent, l'élu politique de Moselle restait tout de même sceptique quant au projet de la ministre.
Car lui souhaitait aller encore plus loin que le projet voté hier par les députés. Le député-maire de Sarreguemines plaidait, en effet, pour la mise en place d'un véritable conditionnement individuel hebdomadaire de médicaments sous blisters. Cette préparation des doses à administrer (PDA) serait d'après lui, « beaucoup plus aboutie que la simple distribution de médicaments à l'unité telle qu'elle est proposée par la ministre de la Santé. »
Et Céleste Lett affirme aussi que sa proposition pourrait dégager un potentiel encore plus significatif d'économies, de l'ordre de 900 millions d'euros par an (473 millions aurpès des patients résidant en EHPAD, 407 millions auprès des patients à domicile). Le Gouvernement espère pour sa part que cette mesure entrainera une réduction du chiffre d'affaires de 15 % des antibiotiques, avec à la clé une économie de 100 millions d'euros sur 22.000 officines, estime une étude d'impact du gouvernement.
La préparation des doses à administer, essentielle à la sécurité du patient
Par ailleurs le député Céleste Lett rappelle également dans son communiqué que son dispositif serait également bénéfique pour la sécurité des patients. La PDA réduirait, selon lui, « le risque d'erreurs médicamenteuses et limiterait ainsi les hospitalisations (-26 % d'après ses estimations) et leur durée. » Il estime, en outre, que de nombreux départs en maisons de retraite pourraient aussi être évités grâce à ce nouveau pilulier. Résultat, ces personnes demeurant finalement à domicile, du fait de l'instauration de la PDA, nous permettraient de faire 83 millions d'euros d'économies tous les ans, estime-t-il. La mesure bénéficierait essentiellement « aux personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques », reconnaît le député.
Le conditionnement à l'unité contesté par certains économistes
« La mesure proposée par la ministre est un peu spectaculaire, mais il ne faut pas en attendre d'économies substantielles sur les médicaments. C'est un peu un mythe ! » lâchait Claude Le Pen, économiste de la santé, contacté le mois dernier par pourquoidocteur. Pour cet économiste, le conditionnement des médicaments en France est déjà soucieux des besoin réels des malades estimés par les praticiens. Pour les grandes pathologies notamment, le traitement à l'unité n'a pas lieu d'exister. Pour les maladies chroniques, les médecins prescrivent souvent un mois de traitement, une boîte de 28 comprimés est donc tout à fait adaptée. Le problème est différent dans d'autres pays qui sont parfois sur des condtionnements importants, avec des boîtes de 80 comprimés par exemple.
Enfin, pour Claude Le Pen, un condtionnement à l'unité du médicament est risqué. Avec ce packaging unique, toutes les boîtes de médicaments se ressemblent. Aux Etats-Unis par exemple, il s'agit la plupart du temps, d'une petite bouteille en plastique de couleur orange, fait-il valoir. Seule une étiquette avec le nom du produit, celui du patient, et la posologie, permet de différencier un traitement d'un autre. A partir de là, les risques de confusion entre deux médicaments sont nombreux pour le pharmacien, mais aussi pour le malade. « Ces erreurs qui sont possibles peuvent être dramatiques pour la santé des patients », concluait Claude Le Pen.