- En Europe, les bactéries résistantes aux antibiotiques ont provoqué 33.000 décès en 2015.
- La communauté scientifique cherche ardemment de nouveaux antibiotiques pour lutter contre l’antibiorésistance.
- Les résultats de l'étude suggèrent que la salinomycine pourrait être utile à la fois en milieu agricole et clinique.
Et si la pomme de terre était la solution pour vaincre la résistance bactérienne aux antibiotiques, qu’on appelle aussi l’antibiorésistance ? Selon une nouvelle étude, publiée dans la revue mBio, les pommes de terre, quand elles sont infectées, contiendraient un antibiotique naturel qui détruit les bactéries mortelles.
Le composé, appelé salinomycine, agit contre un large éventail de champignons connus pour infecter et faire des ravages sur les cultures agricoles. Dans des expériences, la salinomycine a été capable d’éliminer Candida albicans, un organisme mycotique vivant à l’état naturel sur nos muqueuses, notre peau, ou bien encore dans notre intestin. Lors d'un déséquilibre immunitaire ou hormonal, cet organisme de la famille des champignons prolifère et devient pathogène en libérant des toxines : on parle alors de "candidose", des mycoses habituellement bénignes mais qui peuvent être graves pour les sujets immunodéprimés.
Antibiotique : c'est quoi la salinomycine ?
La salinomycine est produite par une bactérie pathogène appelée Dickeya solani, qui provoque la "jambe noire" dans les pommes de terre. Cette maladie bactérienne, appelée aussi "pourriture molle", fait pourrir le tubercule, détruisant de nombreuses cultures et récoltes.
Cette même salinomycine pourrait changer la donne dans la guerre contre la résistance aux antibiotiques, l'une des plus grandes menaces pour la santé publique dans le futur. D'ici 2050, les infections résistantes aux antibiotiques comme le SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méticilline) ou le clostridium difficile pourraient faire 10 millions de morts chaque année, selon les estimations. Les résultats suggèrent que la salinomycine et les composés apparentés pourraient être utiles à la fois en milieu agricole et clinique.
La salinomycine n'est pas le premier antibiotique découvert à partir de la bactérie. Des études précédentes avaient permis de découvrir que Dickeya solani produisait un antibiotique appelé oocydine A, qui est très actif contre plusieurs agents pathogènes fongiques des plantes. Grâce à ces découvertes antérieures, ainsi que l'analyse du génome de la bactérie, les chercheurs ont émis l’hypothèse que la bactérie pourrait synthétiser des antibiotiques supplémentaires, également antifongiques.
De nouveaux antibiotiques pourraient être fabriqués grâce à cette découverte
Une hypothèse qui a fait mouche : lorsque les gènes responsables de la production d'oocydine A étaient rendus silencieux, la bactérie continuait à montrer une activité antifongique. Cette observation a conduit à l'identification de la salinomycine. Les chercheurs ont découvert que la bactérie utilise le composé avec parcimonie, le produisant en réponse à la densité cellulaire, comme une sorte de mécanisme de protection intelligent. Un environnement de pH acide - comme celui présent dans une pomme de terre - active également le groupe de gènes salinomycine.
Les chercheurs ont commencé à collaborer avec des chimistes pour en savoir plus sur la structure moléculaire de la salinomycine et mieux comprendre son fonctionnement. Les scientifiques devraient ensuite le tester sur des modèles végétaux et animaux. Les auteurs de l'étude espèrent que les agents pathogènes des plantes tels que Dickeya solani pourraient permettre de fabriquer de nouveaux antibiotiques naturels qui luttent contre les maladies infectieuses des plantes et des humains.
La communauté scientifique cherche ardemment de nouveaux antibiotiques pour lutter contre l’antibiorésistance. En effet, la majeure partie des découvertes d’antibiotiques remonte aux années 1950 et 1960 et le dernier arrivé entre les mains des médecins date de 1987. La liste des bactéries qui sont devenues très résistantes aux différents traitements existants s’allonge depuis. Peu de nouveaux médicaments sont en préparation et beaucoup s'inquiètent de l’ère "post-antibiotique" vers laquelle on se dirige. De nombreuses infections courantes pourraient devenir incurables et rendre de nombreuses pratiques de soins essentiels dans la médecine moderne, comme la chirurgie, la chimiothérapie et les greffes d'organes - impossibles.