Et si la douleur était plus qu’une sonnette d’alarme pour détecter la présence d’un mal et signaler à l’organisme que quelque chose ne va pas ? Et si la douleur était, en soi, une forme de protection ? C’est en tout cas ce que suggère une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’école de médecine de Harvard, dans le Massachusetts (Etats-Unis), et publiée dans la revue Cell.
La douleur est un mécanisme de protection lors d’une inflammation
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié le fonctionnement des cellules caliciformes de souris. Celles-ci contiennent un mucus qui, lorsqu’il se répand dans l’organisme, protège les organes de la détérioration et des dommages. Or, l’équipe de Harvard a découvert que, parmi les 200 millions de neurones présents dans l’intestin, ceux qui signalent la douleur au cerveau avaient aussi la particularité de réguler la présence de ce mucus protecteur, et ainsi d’en libérer davantage pendant les périodes d’inflammation. Autrement dit, la douleur, en plus de nous prévenir d’un mal, permettrait à l’organisme de lutter plus efficacement contre les dégâts.
"Il s'avère que la douleur peut nous protéger de manière plus directe que son travail classique pour détecter les dommages potentiels et envoyer des signaux au cerveau. Notre travail montre comment les nerfs médiateurs de la douleur dans l'intestin communiquent avec les cellules épithéliales voisines qui tapissent les intestins", explique l’auteur principal de l'étude, le professeur Isaac Chiu, dans un communiqué. "Cela signifie que le système nerveux a un rôle majeur dans l'intestin au-delà du simple fait de nous donner une sensation désagréable. Il est un acteur clé dans le maintien de la barrière intestinale et un mécanisme de protection lors de l'inflammation."
Le rôle de l’alimentation dans l’activation des récepteurs de la douleur
Les chercheurs ont noté que les souris dépourvues de neurones de la douleur produisaient moins de mucus protecteur et souffraient d’un déséquilibre entre microbes bénéfiques et nocifs dans leur microbiote intestinal, appelé dysbiose. D’après l’étude, l’alimentation jouerait aussi un rôle primordial dans l’activation des récepteurs de la douleur. En effet, lorsque les chercheurs ont administré à des souris de la capsaïcine, l'ingrédient principal des piments rouges connu pour sa capacité à déclencher une douleur intense, les neurones de la douleur des souris ont été rapidement activés, provoquant la libération par les cellules caliciformes d'abondantes quantités de mucus protecteur.
Face à leurs résultats, les chercheurs s’interrogent sur les possibles conséquences néfastes de la prise de traitements analgésiques chez les personnes souffrant d'inflammation de l'intestin. "Une partie du signal de douleur pourrait être directement protectrice en tant que réflexe neural, ce qui soulève des questions importantes sur la façon de gérer la souffrance afin que cela n'entraîne pas d'autres dommages", conclut Isaac Chiu.