C’est acté : lorsque nous sommes heureux, nous avons tendance à sourire. Mais cela fonctionne-t-il aussi dans le sens inverse ? Est-ce que sourire, quitte à se forcer, peut-il égayer notre humeur ? C’est ce qu’a voulu vérifier une équipe internationale de scientifiques, et leurs conclusions, publiées dans la revue Nature Human Behavior, semblent être sans équivoque : les sourires, même figés, peuvent mécaniquement nous rendre plus heureux.
Près de 4.000 volontaires encouragés à "sourire"
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont recueilli les données et mené une série d’expériences sur près de 4.000 volontaires adultes venant de 19 pays, répartis en trois groupes. Un tiers des participants ont été invités à tenir un stylo entre leurs dents sans laisser leurs lèvres se toucher - un geste qui activerait les mêmes muscles faciaux qu’un sourire. Un autre tiers devait imiter les expressions faciales observées sur des photos de gens souriants. Le dernier tiers, enfin, avait pour consigne de déplacer les coins de leurs lèvres vers leurs oreilles et de soulever leurs joues en utilisant seulement les muscles de leur visage.
Puis, parmi chaque groupe, une moitié des volontaires devait effectuer la tâche (se forcer à sourire) en regardant des images joyeuses de chiots, de fleurs ou encore de feux d’artifice, tandis que la seconde moitié n’avait qu’un écran vide devant les yeux. Pour dissimuler l’objectif et ne pas fausser l’expérience, tous devaient aussi effectuer en parallèle des exercices physiques ou résoudre des problèmes mathématiques simples. Après chaque tâche, tout au long de l’étude, les participants devaient évaluer à quel point ils se sentaient heureux.
Sourire stimule l'amygdale, le centre des émotions du cerveau
Résultat, les chercheurs ont constaté une augmentation notable du bonheur ressenti chez les participants qui avaient imité les expressions des gens souriants ou étiré leurs lèvres vers leurs oreilles. En revanche, "l’effet n’était pas aussi fiable concernant le stylo entre les dents", peut-on lire dans l'étude. L’hypothèse la plus probable est que le fait de tenir le stylo nécessite de serrer les dents beaucoup plus fortement que nous ne le faisons lorsque nous sourions, ce qui peut être un facteur de confusion pour les résultats de l’expérience.
Reste que l'étude demeure probante : forcer un sourire nous amène, sans le conscientiser, à être plus positif, simplement par le fait de bouger les muscles du visage. L’impact est léger (le sourire seul ne vous fera pas surmonter une dépression sévère, nuancent les chercheurs), mais il existe bel et bien un lien entre émotions et mouvements d’expression faciale. "L’étirement d’un sourire peut rendre les gens plus heureux, de même qu’un froncement de sourcils peut les mettre en colère", souligne Nicholas Coles, auteur principal de l’étude, dans un communiqué.
La cause se trouverait dans l'amygdale, selon une étude similaire menée en 2019 : "Lorsque vous pratiquez avec force le sourire, cela stimule l’amygdale, le centre émotionnel du cerveau, qui libère des neurotransmetteurs pour encourager un état émotionnellement positif”, expliquait ainsi un chercheur. Qui, pour parvenir à un état de félicité, préconisait donc une approche "Fake it until you make it", que l'on pourrait traduire par "Fais semblant [d'être heureux] jusqu'à ce que tu le sois"...