Les troubles du sommeil, quotidien d’un Français sur trois selon l’Inserm, ont des effets dévastateurs sur la santé à court et long terme : irritabilité, somnolences, fatigue chronique, diabète, maladies cardiovasculaires, maladie d’Alzheimer... Une nouvelle étude suggère même que mal dormir pourrait augmenter le risque de perdre la vue à cause d’un glaucome, maladie chronique de l’œil qui touche au moins 800.000 personnes en France.
Mal dormir est toujours associé à un risque accru de glaucome
Dans le cadre de leurs travaux, validés par leurs pairs et publiés dans la revue médicale BMJ Open, les chercheurs ont analysé les statistiques de sommeil fondées sur des questionnaires remplis par plus de 400.000 participants à la UK Biobank, âgés de 40 à 69 ans lors de leur recrutement entre 2006 et 2010. Une durée de sommeil de 7 à 9h par jour était définie comme normale. Les volontaires ont été classés selon qu’ils dormaient trop, ou trop peu, étaient plutôt "du matin" ou "oiseaux de nuit", souffraient d’insomnies (et de quels types) ou de somnolences (et à quelle fréquence).
Leurs données ont ensuite été comparées à leurs dossiers médicaux et d’autopsies. Au cours d’une période de suivi d’environ dix ans, 8.690 cas de glaucome ont été répertoriés, en majorité chez des seniors, des hommes, des fumeurs chroniques et des personnes souffrant d’hypertension ou de diabète.
Résultat, mal dormir est toujours associé à un risque accru de glaucome. Un sommeil trop court ou trop long, par exemple, l’augmenterait de 8 % par rapport à ceux qui ont un rythme de sommeil sain. Les insomniaques seraient 13 % plus susceptibles d’être touchés, tout comme les dormeurs qui ont un rythme de sommeil court/long. Ceux qui souffrent de somnolence en journée (+10 % au moins) et les ronfleurs (4 %) aussi sont aussi concernés. En revanche, le fait d’être "du matin" ou "de la nuit" n’a pas d’incidence a priori, tant que le rythme est régulier.
Trop de pression oculaire interne à cause d'un sommeil détraqué
Si l’étude se contente d’observer la corrélation sans établir de cause, les chercheurs avancent quelques explications biologiques à une telle association. La première, c’est que "la pression interne de l'œil, facteur clé du développement du glaucome, augmente lorsqu'une personne est allongée et lorsque les hormones du sommeil sont détraquées, comme cela se produit avec les insomnies", peut-on lire dans un communiqué des chercheurs.
La dépression et l'anxiété, qui vont souvent de pair avec un sommeil trouble, peuvent aussi augmenter la pression oculaire interne, "peut-être en raison d'une production dérégulée de cortisol". Enfin, "des épisodes répétés ou prolongés de faibles niveaux d'oxygène cellulaire, causés par l'apnée du sommeil (arrêt soudain de la respiration pendant le sommeil), pourraient endommager directement le nerf optique".
Les scientifiques soulignent la nécessité d'une thérapie du sommeil chez les personnes à haut risque de glaucome, ainsi que des contrôles oculaires chez les personnes souffrant de troubles chroniques du sommeil pour vérifier les premiers signes de la maladie, qui constitue la seconde cause de cécité dans les pays développés après la dégénérescence maculaire liée à l’âge.