Depuis quelques années, des applications mobiles et des montres connectées proposent de surveiller, entre autres, votre rythme de sommeil. Des dispositifs vendus par les développeurs comme une solution pour le rendre plus performant, plus qualitatif, et ainsi lutter contre les troubles du sommeil qui touchent un Français sur trois, selon l’Inserm. Sauf que cette habitude de surveiller en permanence ses nuits pourrait bien être contre-productive. Trois chercheurs et professeurs des universités Victoria et Monash en Australie, sonnent l’alarme dans un article du média indépendant The Conversation.
"Le rythme de sommeil n’est pas le même chaque nuit"
Les applis de suivi du sommeil analysent les sons, la fréquence cardiaque et les mouvements du dormeur pour évaluer son "score" du sommeil, graphiques à l’appui pour montrer les changements au fil du temps. En plus d’enregistrer l'heure du coucher et l'heure du réveil, elles prétendent aussi déterminer combien de temps le dormeur passe en sommeil léger, en sommeil profond et en sommeil paradoxal, et combien de micro-réveils ou de turbulences il a vécu. Mais sont-elles vraiment précises ? Les études sérieuses manquent à l’appel, et la classification des différentes phases de sommeil reste "peu fiable", selon les chercheurs.
"La plupart des adultes ont besoin d'environ huit heures de sommeil par jour, mais les besoins en sommeil peuvent varier d'environ six à neuf heures", expliquent-t-ils. Non seulement les besoins sont différents selon chaque être humain, mais ils varient aussi en fonction des moments, de ce qu’on a vécu durant la journée : "Le rythme de sommeil n’est pas le même chaque nuit." Or, d'après les scientifiques, "cette variation normale n'est pas bien comprise. Certaines personnes, qui pensent que leur sommeil est comme insuffisant, s'inquiètent tellement de passer une bonne nuit de sommeil qu’elles développent une sorte d'anxiété de performance."
L’orthosomnie, un nouveau trouble anxieux ?
C’est ce qu’ils appellent le "paradoxe du sommeil" : les applis de suivi du sommeil créent des logiques de stress et donc d’éveil qui exacerbent les problèmes au lieu de les résoudre. A tel point que certaines personnes développent un nouveau trouble, l’orthosomnie. Peu documenté par la communauté scientifique pour le moment, il s’agit d’un trouble anxieux lié à l’obsession des applications de sommeil : la personne a plus tendance à se fier aux données récoltées qu’à des tests objectifs réalisés en clinique, et peut donc adopter des comportements contre-productifs (comme passer plus de temps au lit pour améliorer son "score").
"Pour les personnes qui dorment bien, ces dispositifs de suivi du sommeil peuvent présenter un certain attrait, d’autant qu’ils sont sans risque. Cependant, si la qualité de votre sommeil vous préoccupe et constitue une source d’anxiété, vous n’êtes probablement pas le candidat idéal pour ce type de suivi du sommeil", selon les chercheurs, qui préconisent une consultation médicale en bonne et due forme.
"Il faut toujours que les données soient interprétées avec un médecin spécialiste pour être sûr qu'il n'y a pas d'erreur dans leur analyse et éviter les problèmes", conseillait récemment à Pourquoi Docteur le cardiologue Pierre Escourrou.