C’est une première mondiale. De son vivant, Patricia, âgée de 55 ans, a fait don de son tendon rotulien à sa fille Kiara, ayant 20 ans. La jeune femme, qui jouait au rugby, souffrait d'une énième rupture du ligament croisé antérieur (LCA). "Alors qu’elle avait été multi-opérée au niveau des deux genoux, les options thérapeutiques pour réparer une nouvelle fracture du LCA étaient limitées. J’ai proposé une reconstruction avec un tendon prélevé sur un donneur décédé. Mais aussitôt, sa maman m’a interpellé : 'On ne peut pas prendre un tendon sur mon propre genou ?' Pourquoi pas !, lui ai-je répondu", a raconté, à Nice-Matin, le professeur Christophe Trojani, chirurgien orthopédiste.
En France, il est interdit de prélever un tendon sur un donneur vivant
Problème : ce don n’est pas autorisé en France. La famille a tout de même tenté et entamé les démarches pour que l’allogreffe soit réalisée dans l’Hexagone. Après avoir saisi l’Agence de biomédecine et l'Agence régionale santé (ARS), les deux instances se sont opposées à l’opération. "C’est là que nous avons eu l’idée de nous tourner vers la Principauté de Monaco. Nous avons saisi le Département des Affaires sociales et de la Santé, et son Conseiller de gouvernement-Ministre, Christophe Robino, qui nous a donné l’autorisation de réaliser l’intervention. Également consulté, le comité consultatif d’éthique en matière de recherche biomédicale monégasque a rendu lui aussi un avis favorable", a déclaré Christophe Trojani.
Don de tendon : cette "allogreffe à partir de donneur vivant pourrait représenter un véritable progrès"
Le 8 octobre, la mère et la fille se sont faites opérées à l’Institut Monégasque de Médecine et de chirurgie du Sport (IM2S). Patricia s’est vu prélever un tendon rotulien et Kiara recevait cette allogreffe. "Nous avons procédé à une reconstruction du LCA associée à une ostéotomie tibiale de valgisation (technique chirurgicale pour corriger l’axe du membre inférieur)", a expliqué le professeur.
Après cette opération, la jeune rugbywoman devra bénéficier d’une rééducation avant de pouvoir retourner sur le terrain. À ce jour, aucun signe de rejet n’a été observé par les médecins. Cependant, "il faudra réaliser un scanner et une IRM de contrôle dans deux mois pour s’en assurer définitivement. (…) Et si le succès est confirmé, cette option d’allogreffe à partir de donneur vivant pourrait représenter un véritable progrès. Elle pourrait même s’envisager en première intention, dans une situation comme celle de Kiara et sa maman. Donner son tendon à son enfant, lorsque celui-ci est sportif de haut niveau en particulier, c’est lui offrir la possibilité de récupérer plus vite, et lui éviter certaines opérations", a conclu Christophe Trojani.