« Smartphones, ordinateurs, tablettes numériques, sans oublier la télévision… les enfants et les ados se trouvent confrontés à un tsunami de médias, vient de dénoncer le Pr Victor Strasburger au nom de la Société américaine de pédiatrie (AAP). Il est important que les parents en prennent conscience ».
Des propos confirmés par une récente enquête d’une association de consommateurs : une majorité de petits américains, entre 8 et 10 ans, passent près de huit heures par jour à utiiser ces différents médias. 71 % des enfants ont une télévision dans leur chambre et 50 % une console de jeu.
Les bonnes règles d'usage
« Les enfants passent plus de temps devant ces médias qu’à l’école, ils ont pris la première place devant les parents et les enseignants, souligne le pédiatre et chercheur à l’université du Nouveau Mexique, qui recommande aux parents d’établir un véritable plan d’usage de tous ces écrans à la maison.
« Le plan ne doit pas seulement définir des régles de quantité mais aussi des régles d’utilisation qualitative », précisent les pédiatres américains. Premières recommandations pour les parents : bannir les écrans de la chambre à coucher, éviter que les enfants de moins de deux ans soient confrontés aux écrans, instaurer de véritables « couvre-feu » au moment des repas et faire en sorte que la durée quotidienne passée devant les écrans ne dépasse pas deux heures par jour…
Une alimentation plus sucrée
L’objectif de cette « diète médiatique » est de lutter contre les méfaits des usages intensifs. Les chercheurs ont constaté une diminution de 7 % de l'intérêt en classe et de 6 % sur les habiletés en mathématiques chez les enfants à l'âge de 10 ans lorsqu’ils ont passé dans leur plus tendre enfance plus de deux heures par jour devant un écran non interactif.
L'usage excessif de la télévision, d’Internet et des jeux vidéo, a aussi été mis en relation, chez l'enfant, avec une plus grande consommation de nourriture sucrée, un accroissement de l'obésité et diverses conséquences somatiques telles que l’hypertension artérielle ou le diabète.
Etablir « un plan d’usage » permet aussi de redonner une place aux parents pour qu’ils accompagnent leurs enfants devant les écrans, discutent avec eux des programmes télévisés ou des jeux vidéos L'idée est de créer un lien avec eux à propos des réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram ou Twitter.
A travers cette mesure, les pédiatres américains ne veulent pas jeter l’anathème sur les écrans. Au contraire, ils rappellent que ces nouveaux médias participent au développement cognitif de l’enfant.
Faire un usage raisonné
Une démarche qui est aussi partagée par des spécialistes en France. En janvier dernier, l’Académie des sciences a aussi recommandé un usage raisonné et autorégulé des écrans pour les jeunes. « L’omniprésence des écrans (télévisions, vidéos, ordinateurs, téléphones mobiles et Smartphones, tablettes numériques tactiles…) provoque de profonds bouleversements culturels, cognitifs et psychologiques », ont écrit les Prs Jean-François Bach, Olivier Houdé, Serge Tisseron, et Pierre Léna. Pour les 4 auteurs de cet avis intitulé « L’enfant et les écrans », pas question de condamner la place désormais prise par ces écrans dans notre quotidien, au contraire, « un métissage entre la culture traditionnelle du livre et la plus récente culture des écrans est possible, amplifiant les vertus de l’une et de l’autre ».
Ecoutez le Dr Serge Tisseron, psychiatre et co-auteur de l’avis de l’Académie des Sciences : « Les écrans potentialisent certes tout ce que l’être humain a de pire mais aussi ce qu’il a de meilleur ! »
Encourager la capacité à raconter
A partir de 3 ans, les Académiciens français déconseillent « l’exposition passive et prolongée des enfants à la télévision », préconisant plutôt « la constitution d’une vidéothèque familiale qui se substitue à des programmes de mauvaise qualité tout en échappant à la publicité ». De plus, l’enfant doit être invité à parler de ce qu’il a vu à la télévision pour développer sa capacité à raconter.
La période qui peut poser le plus de difficultés à cet usage autorégulé des écrans est évidemment l’adolescence. Les Académiciens ont d’ailleurs nuancé leurs recommandations. Si « établir des règles claires sur les temps d’internet et de jeux est indispensable », parler avec son adolescent de ce qu’il voit et fait sur les écrans à travers les jeux vidéo et les réseaux sociaux est une source de « découverte mutuelle entre les générations » et l’occasion de l’aider à développer son sens critique et ses capacités de synthèse et de prise de recul. Reste à savoir si l’adolescent est prêt à accepter ses parents comme « ami » sur Facebook, ou à l’inverse si les parents ont envie de disputer une partie de Grand Theft Auto 5…