De nombreux maux de grossesse sont liés aux hormones, comme les fringales ou les sautes d’humeur. Pourtant, celles-ci sont primordiales à ce moment particulier de la vie. Elles permettent le développement du fœtus. Une nouvelle étude, réalisée par des chercheurs de l’Inserm et de l’université Grenoble Alpes, montre que certains polluants peuvent engendrer des dérèglements hormonaux. Leurs travaux, parus dans la revue spécialisée Environmental Health Perspectives, se concentrent sur la fonction thyroïdienne.
Perturbateurs endocriniens : "les participantes y étaient quasiment toutes exposées"
Pour rappel, la thyroïde est une petite glande située à la base du cou. Elle produit deux hormones : la triiodothyronine (ou T3) et la thyroxine (ou T4), mais leur sécrétion est contrôlée par une autre hormone, la thyréostimuline (ou TSH) produite dans le cerveau par une autre glande, l’hypophyse.
"Ces hormones sont cruciales pour le développement du fœtus. Un dysfonctionnement thyroïdien chez la femme enceinte est donc susceptible d’impacter la santé de l’enfant à naître", expliquent les auteurs dans un communiqué. Or, des polluants présents dans l’environnement peuvent avoir des conséquences sur la fonction thyroïdienne. Dans cette recherche, les scientifiques se sont intéressés à "l’impact de l’exposition à des molécules de la famille des phénols, parabènes et phtalates, considérées comme des polluants chimiques, sur les concentrations d’hormones thyroïdiennes de la femme enceinte".
L’équipe s’est appuyée sur les échantillons biologiques de 437 femmes enceintes. "Plusieurs polluants chimiques ont été détectés dans la majorité des échantillons d’urine recueillis, ce qui confirme que les participantes y étaient quasiment toutes exposées", observent-ils. Or, ces différentes molécules peuvent dérégler le fonctionnement de la thyroïde.
Les perturbateurs endocriniens "pourraient agir sur la dégradation des hormones thyroïdiennes"
L’exposition au propyl-parabène (un composé utilisé comme conservateur dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique) était associée à une diminution des concentrations de T3 tandis que le butyl-benzyl phtalate (utilisé notamment dans les plastiques de type PVC) était associé à une augmentation des concentrations de T4. Le bisphénol A, notamment utilisé dans la fabrication de plastique, était associé à une baise de la concentration en TSH.
"Les données des tests toxicologiques in vitro suggèrent que ces polluants pourraient agir sur les mécanismes régissant la synthèse et la dégradation des hormones thyroïdiennes, souligne Claire Philippat, coordinatrice de cette étude. Le butyl-benzyl phtalate et le bisphénol A pourraient notamment inhiber l’incorporation de l’iode – élément indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes – dans les cellules de la thyroïde." Pour elle, ces conclusions doivent alerter, dans la mesure où la population est fréquemment exposée à ces différents produits chimiques. Avec son équipe, elle poursuit les travaux sur le sujet, en s’intéressant à l’impact de ces changements dans la fonction thyroïdienne sur le neurodéveloppement et la croissance des enfants.