"Nous estimons qu’environ un million de diagnostics de cancer auraient pu être manqués à travers l’Europe pendant la pandémie de la Covid-19, estiment les auteurs d’une étude publiée dans la revue The Lancet Oncology. Selon leurs travaux, 100 millions de dépistages n’auraient pas été faits durant cette période.
Moins de dépistages, plus de cancers à des stades avancés
“Il existe de nouvelles preuves qu’une proportion plus élevée de patients sont diagnostiqués avec des stades avancés de cancers par rapport aux taux prépandémiques en raison de retards importants dans le diagnostic et le traitement du cancer", développent les scientifiques. En effet, durant la crise sanitaire, moins de patients ont pu être dépistés et les diagnostics ont donc été posés plus tard, lorsque la maladie était avancée. Les scientifiques estiment que cela pourrait donc avoir un impact à long terme sur la santé des populations.
En effet, le dépistage précoce est un enjeu de santé publique majeur car il permet d’augmenter les chances de guérison et la prise en charge de nombreux cancers. À titre d’exemple, pour celui du sein, l’Assurance maladie estime qu’il y aurait 99 % de survie à cinq ans lorsqu'il est détecté à un stade précoce, contre seulement 26 % quand il est diagnostiqué à un stade tardif.
Moins de dépistages à cause de la Covid-19, du Brexit et de la guerre en Ukraine
Mais ces retards pourraient aussi impacter la recherche et les services de lutte contre le cancer. "Nous avons constaté un effet négatif concernant la recherche sur le cancer, avec la fermeture de laboratoires mais aussi l’annulation ou le retard d’essais cliniques lors de la première vague pandémique, a déclaré Mark Lawler, l’un des auteurs de cette étude, au Guardian. Nous craignons que l'Europe ne se dirige vers une épidémie de cancers au cours de la prochaine décennie si les systèmes de santé et la recherche sur le cancer ne sont pas, de toute urgence, des priorités".
Néanmoins, il n’y a pas que la crise de la Covid-19 qui explique le nombre élevé de cancers qui n’ont pas été dépistés. "Dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, du Brexit et de l'invasion russe de l'Ukraine, il est important, plus que jamais, que l'Europe développe la recherche sur le cancer pour jouer un rôle dans l'amélioration de la prévention, du diagnostic, du traitement et de la qualité de vie pour les patients actuels et futurs”, estiment les chercheurs. Et ce d’autant plus que la Russie et l’Ukraine sont deux pays habituellement investis dans la recherche.
Les auteurs incitent donc les États à investir davantage dans la recherche, la prévention et la prise en charge des cancers. "On estime que 40 % des cancers en Europe pourraient être évités si les stratégies de prévention utilisaient mieux les connaissances actuelles sur les facteurs de risque du cancer", conclut Anna Schmütz, du centre international de recherche sur le cancer.