“Je pense que j'ai toujours senti un décalage mais je n'avais pas les mots pour l'expliquer. Par exemple, j'ai toujours senti les émotions des autres personnes, comme leur tristesse, sans qu'ils n'aient à parler. Je me sentais mal ou fatiguée dans certains endroits, comme les centres commerciaux, et ce, depuis l'enfance.”
Émotions, empathie exacerbée… une perception du monde avec moins de filtres
C’est dans le cadre d'une thérapie, à 33 ans, qu'Aurélia apprend qu’elle est hypersensible. “J'ai alors compris mon fonctionnement, notamment le fait d'avoir moins de filtres et de ressentir plus fortement que la moyenne : mes émotions, les stimuli sensoriels, mais également avoir une empathie exacerbée, des pensées très nombreuses, etc.”
La trentenaire se documente sur le sujet, et prend du recul sur toutes ces années passées, parfois difficiles. “J'ai longtemps fonctionné en pensant que j'étais "le problème". Par exemple, mes collègues de bureau ne me semblaient pas impactés par les circonstances (lumière, bruit, stress latent...) alors que je l'étais fortement. Avant d'identifier que j'étais hypersensible, j'imaginais que tout le monde était comme moi mais que les autres le vivaient bien. Comprendre mon fonctionnement m'a permis de remettre les choses à l'endroit.”
Hyperesthésie : une sensibilité exacerbée des sens
Si l'intensité émotionnelle est l'une des caractéristiques que l'on retrouve fréquemment chez les hypersensibles, ce n'est pas la seule, comme l’explique l’ancienne avocate dans son livre. “Pour ma part, je vis mon hypersensibilité particulièrement au travers de mes sens, c'est ce qu'on appelle l'hyperesthésie. Je suis très sensible aux sons, aux lumières, aux odeurs, aux matières, etc. J'entends des bruits que certains n'entendent pas et donc l'environnement dans lequel je travaille / vis a une influence directe sur mon niveau d'énergie et mes émotions.”
L’hypersensibilité d’Aurélia se traduit aussi par une hyper-empathie. “Je ressens dans mon corps les émotions (agréables comme désagréables) des autres, j'anticipe leurs besoins, je perçois les non-dits et ce qu'ils signifient, j'ai une intuition très forte. Je suis facilement émue par une situation qui ne me concerne pas directement : comme un film ou une scène dans la rue avec des inconnus. Certaines images violentes me touchent très fortement et je ne peux pas les regarder.”
Transports en commun, open-space : “Je rentrais chez moi épuisée alors que mes horaires étaient corrects”
“Je suis également très sensible à la musique, aux arts, la nature et le silence me ressourcent. Lorsque je travaillais en entreprise, il était très compliqué pour moi de prendre les transports en commun aux heures de pointe pour ensuite travailler en open-space, toujours en groupe et sans silence... je rentrais chez moi épuisée alors que mes horaires étaient corrects. C'est ainsi que j'ai pu comprendre la différence entre le temps et l'énergie : certaines choses peuvent prendre "peu" de temps mais beaucoup d'énergie.”
Pour “apprivoiser” son hypersensibilité et apprendre à vivre avec sans qu’elle soit un fardeau au quotidien, Aurélia a développé une “conscience émotionnelle et sensorielle”. “J'ai porté plus d'attention sur ce que je ressentais : mes émotions, mon niveau d'énergie, mes besoins. J'ai fait évoluer mon contexte pour qu'il me convienne au lieu de me sur-adapter à un contexte qui ne me convenait pas. J'ai appris à réduire le seuil de stimulation quotidien : par exemple, en me faisant livrer mes courses, en refusant des sorties, en déménageant pour quitter un immeuble trop bruyant, en ayant peu d'objet dans mon environnement. J'ai également appris à écouter mon corps, grâce à la danse, l'alimentation et le respect de mes besoins.”
“Le besoin de sens est viscéral chez les personnes hautement sensibles”
Comme de nombreuses autres personnes hypersensibles, Aurélia a un grand besoin que sa vie ait du sens. “C'est ce besoin de sens qui m'a poussé à changer de voie professionnelle. Lorsque j'étais avocate puis cadre dans les Ressources Humaines, tout se passait bien mais il me manquait quelque chose intérieurement que je ne savais pas nommer : j'avais besoin de contribuer, de me sentir utile. Le besoin de sens est viscéral chez les personnes hautement sensibles. J'ai donc initié une reconversion professionnelle en me faisant accompagner. Cette notion de sens est propre à chacun, j'aime à dire qu'il y a autant de façon d'être hypersensible que de personnes hypersensibles.”
La trentenaire est d’avis qu’aujourd’hui encore, l'hypersensibilité souffre de nombreux préjugés qui existent déjà concernant la sensibilité, mais de façon exacerbée. “La sensibilité est elle-même un mot "fourre-tout" sans qu'on ne sache de quoi il s'agit réellement, elle est est associée à tort à de la faiblesse. On confond sensibilité et sensiblerie. On imagine qu'une personne qui fait de la place à ses émotions est une personne faible, qui se laisse marcher dessus. Alors être hypersensible serait carrément un problème ! L'hypersensibilité est souvent vue de manière caricaturale : on imagine une personne pleurant en permanence, qui ne pourrait pas être un leader ou charismatique”, regrette-t-elle.
Sensibilité : “Faire comme si nous étions des robots n'est pas viable sur le long terme”
“Ces préjugés sont le reflet d'une société qui privilégie le rationnel sur l'émotionnel, le visible sur l'invisible et qui déconnecte l'humain de sa sensorialité. Nous sommes mortels donc vulnérables et sensibles. Cela fait partie de l'aventure humaine, faire comme si nous étions des robots n'est pas viable sur le long terme et explique, à mon sens, pourquoi tant de personnes souffrent de burn-out. Imaginer ne pas avoir d'émotions et de sensations c'est se déconnecter de notre vérité et de notre corps. Je pense que là où l'hypersensibilité souffre le plus de ces préjugés c'est dans le milieu professionnel "corporate" guidé principalement par la performance au détriment de l'humain, ce qui laisse peu de place pour les émotions et la sensorialité. C'est également le cas chez les hommes qui, du fait de l'éducation notamment, ont parfois des résistances à accueillir leur sensibilité. Nous sommes nombreux à ne pas avoir appris à nommer, accueillir et écouter nos émotions, ce qui rend le quotidien inconfortable. En réalité, nos émotions sont là pour nous donner des messages sur nos besoins.”
Pour en savoir plus sur Aurélia Monaco, trouver des conseils sur l’hypersensibilité et découvrir d’autres témoignages, vous pouvez lire son livre “J’assume mon hypersensibilité et je retrouve ma liberté !”, aux éditions Gereso et disponible sur toutes les plateformes. Une version dédicacée sur son site avec un emballage sensoriel personnalisé est également mis à disposition.