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Plus de 10 ans après

Cancer du sein : le coeur garde des séquelles de la radiothérapie

Par Afsané Sabouhi

Malgré des techniques en grand progrès et des doses réduites au minimum, les femmes irradiées pour une tumeur du sein gardent un risque augmenté d’infarctus à long terme.

BEBERT BRUNO/SIPA

Les traitements nécessaires pour venir à bout d’un cancer ne sont pas anodins, on s’en doute. La chimiothérapie et la radiothérapie laissent encore des séquelles malgré les grands progrès réalisés pour concentrer les traitements sur la tumeur et épargner les tissus sains environnants et les autres organes. Dans le cas du cancer du sein, c’est le cœur qui est exposé et les femmes traitées par radiothérapie en garde des séquelles qui se manifestent plus de dix ans après.


Des séquelles en fonction de la dose de radiation 

Une étude américaine, publiée cette semaine dans la revue JAMA Internal Medicine, a examiné le risque cardiovasculaire de 48 femmes traitées par radiothérapie avant 2005 pour un cancer du sein de stade précoce. A partir de données comme la tension, le taux de cholestérol ou le taux de protéine C-réactive, un marqueur de troubles cardiaques, ces chercheurs new-yorkais ont estimé le risque cardiovasculaire de ces femmes avant leur cancer du sein et chiffré l’augmentation causée par la radiothérapie. L’ampleur de ce sur-risque d’avoir un infarctus, de devoir subir une opération de revascularisation coronaire (angioplastie ou pose de stent) ou de décéder d’une maladie coronaire dépend de la dose de radiation reçue par le coeur et donc du sein dans lequel était localisée la tumeur.

 

Les tumeurs du sein gauche exposent fortement le coeur

La situation la plus problématique est celle des femmes déjà à haut risque cardiovasculaire avant leur cancer et traitées pour une tumeur dans le sein gauche. Lorsque la radiothérapie est faite en position allongée sur le dos, l’augmentation de leur risque cardiovasculaire à long terme est de 3,5% et de 1,3% si la radiothérapie est faite en position allongée sur le côté pour épargner le coeur au maximum. Mais, même pour une femme à faible risque cardiovasculaire traitée pour un cancer du sein à droite, il y a tout de même un sur-risque, de l’ordre de 0,05%. Il n’y a donc pas de doses d’irradiation absolument sans risque pour le cœur car il est impossible d’empêcher totalement la diffusion de la radiothérapie.

 

Ecoutez Florent Devathaire, directeur de l’équipe de recherche Epidémiologie des radiations à l’Institut Gustave Roussy, à Villejuif : « Quand vous éclairez une masse d’eau avec une lampe de poche, la lumière diffuse en halo. C’est pareil avec la radiothérapie, elle diffuse jusqu’au cœur même s’il se trouve en bord de champ de l’irradiation. »

 

 

La prévention cardiovasculaire est essentielle

La conséquence, c’est que toutes les femmes traitées par radiothérapie pour un cancer du sein doivent être considérées comme des cardiaques en devenir. Mais ces pathologies coronaires que l’on dit radio-induites, c’est à dire causées par la radiothérapie, ne surviennent en général que 10 à 20 ans après. Dans l’intervalle, les conseils de prévention pour l’adoption d’un mode de vie et d’alimentation bon pour le coeur sont plus que jamais essentiels. Car les facteurs de risque comme le tabagisme, l’alimentation trop riche en graisse, le manque d’activité physique et les antécédents de radiothérapie ont tendance à se multiplier entre eux.

 

Ecoutez Florent Devathaire : « Il est très important que les femmes qui ont eu un cancer du sein se fassent suivre par un cardiologue. »

 

Guider la radiothérapie par scanner

La tomothérapie, une nouvelle technique qui permet de guider la radiothérapie et d’en moduler l’intensité en temps réel grâce à l’image d’un scanner devrait permettre de progresser dans la protection des tissus environnant la tumeur et des organes à risque comme le cœur ou les poumons. En France, une dizaine de centres de lutte contre le cancer sont déjà équipés de ce type d’appareils. La précision de la tomothérapie permet de raccourcir les séances de radiothérapie, ce qui présente un double avantage pour la patiente : à long terme, moins de risques cardiovasculaires et à court terme, moins d’effets indésirables comme la fatigue, l’inflammation ou l’œdème de la zone irradiée. De petits bénéfices non négligeables quand on lutte contre un cancer.