Après avoir goûté aux joies de la maternité grâce à ses quatre enfants, Anne-Cécile Groléas décide à 41 ans de faire une stérilisation définitive. “Mon mari et moi avons décidé de refermer ce chapitre de notre histoire et d’en ouvrir un autre”, raconte-t-elle. “J’avais reçu une brochure de papier rassurante à propos des implants Essure, qui devaient seulement consister en une procédure non chirurgicale d’une dizaine de minutes pour atteindre la stérilisation. La gynécologue m’a présenté cette nouvelle technologie comme une alternative à la ligature des trompes, plus « naturelle » et moins invasive.”
Implants Essure : un dispositif de stérilisation féminine définitive
La mère de famille fait donc naturellement confiance à sa médecin et se fait implanter ce dispositif médical commercialisé par le groupe pharmaceutique Bayer. “L’implant Essure est composé d’un ressort expansible placé au niveau des trompes de Fallope par un gynécologue-obstétricien par les voies naturelles (vagin et col de l’utérus)”, décrit le site du Ministère de la santé.
Mais très vite après la pose, Anne-Cécile ressent une grande fatigue, sans pour autant se douter que cela pourrait avoir un lien avec sa récente stérilisation. “Je suis élue au moment de la campagne pour les municipales de Vénissieux, donc je vis un moment très intense. En plus de mon mandat, je suis à la tête d’une TPE de stylisme et je donne des cours de couture, sans compter mes quatre enfants à la maison…” Cette femme très active met donc ses ressentis de côté, se disant que la fatigue est la conséquence inéluctable d’une “vie trop remplie”.
“Je me réveille en pleine nuit avec des sensations de coup de poignard sur le côté”
Mais un mois de vacances n’y fait rien. “J’en ressors aussi fatiguée que si je n’étais pas partie. Viennent ensuite des douleurs articulaires et mon état de santé s’aggrave : je me réveille en pleine nuit avec des sensations de coup de poignard sur le côté, j’ai des otites, des douleurs musculo-squelettiques, des douleurs pelviennes, des règles hémorragiques…” Problème, les examens successifs ne révèlent rien. “Je continue alors à souffrir, sans comprendre les raisons.” Infections urinaires, douleurs au genou, chute de cheveux… De nombreux autres symptômes surviennent, tous aussi divers et variés.
“J’ai vécu une grande errance médicale, particulièrement anxiogène et qui, malgré ma fatigue, ne m’a pas directement conduite à penser que les implants Essure en étaient la raison. Les symptômes étaient tellement multiples, qu’il semblait presque normal aux yeux de mon médecin que je sois une femme « un peu » fatiguée.” La quadragénaire continue donc tant bien que mal d’assurer au quotidien, en essayant de se convaincre que “tout va bien”.
Errance médicale : des médicaments pour traiter les symptômes
“Pendant plusieurs années, les médecins m’ont prescrit des médicaments pour soigner, un par un, certains symptômes. Jamais, le lien avec les implants n’était fait… Et d’ailleurs, personne n’en parlait.” Et pour cause, les effets secondaires étaient à l’époque peu connus et les femmes victimes ne témoignaient pas toujours de leur mal-être. C’est un gynécologue qui a fini par faire le lien entre ces implants et les symptômes de Anne-Cécile.
“Il a noté que j’étais porteuse de ces implants et a commencé à s’inquiéter sur la supposée « bonne forme » que j’essayais de montrer. Il m’a proposé d’appeler un de ses amis chercheurs à qui il avait confié ses préoccupations sur ce mode de stérilisation car il commençait à relever des similitudes entre les porteuses des implants Essure.”
“J’ai subi une hystérectomie totale et une ablation des trompes de Fallope”
Pour sa santé, la quadragénaire se voit finalement contrainte de passer sur la table d'opération. “J’ai dû faire retirer les implants ou, plutôt, j’ai subi une hystérectomie totale et une ablation des trompes de Fallope. Et, malheureusement, je ne suis pas la seule à connaître ces amputations d’organes, qui étaient sains avant l’implantation.” Malgré ça, la mère de famille souffre toujours aujourd’hui. “Les séquelles sont encore très fortes. Physiquement, je vis une extrême fatigue, souffre d’infections régulières et maladies auto-immunes. Je n’ai pas pu reprendre le train de vie que j’avais auparavant.”
“Ce que je ressens aujourd’hui, c’est une colère : je ne suis pas la seule victime, des milliers d’autres femmes ont vu leur vie gâchée comme la mienne. Tous ces couples, toutes ces familles, tous ces enfants… tout cela à cause des implants.” Commercialisés à partir de 2002, ces implants de stérilisation ne le sont plus en France depuis le 18 septembre 2017. Pourquoi ? Officiellement pour “une raison commerciale”. Pourtant, un drame semble se jouer pour des milliers de femmes en coulisses, “où se mêlent dénis corporatistes, défaillances des autorités sanitaires, études contestées, voire conflits d’intérêts”, selon les journalistes Delphine Bauer et Jacqueline Maurette qui ont enquêté sur cette affaire. Leur enquête a été publiée en octobre dans l’ouvrage Au mépris du corps des femmes, Le scandale des implants Essure, aux Éditions de l’Atelier.
Essure : “Il faut alerter les autres femmes implantées”
D’après les chiffres du ministère de la Santé, 200.000 implants Essure ont été posés sur des femmes entre 2002 et 2017 en France. Combien d’entre elles sont victimes de ces effets secondaires ? Au moins 30.000 ont en tout cas été contraintes de se les faire retirer dans l’Hexagone. Si aux États-Unis, Bayer a indemnisé “à l’amiable” 39.000 patientes pour un budget d’un peu plus d’1,6 milliards de dollars (sans pour autant reconnaître ses responsabilités), le volet judiciaire s’ouvre seulement en France. “Avec ces autres femmes victimes, il faut se battre. Ensemble, il faut trouver la vérité, obtenir réparation et surtout, alerter les autres femmes implantées”, clame Anne-Cécile.
Si vous êtes porteuse de cet implant et que vous ressentez des effets indésirables, il convient d’en parler à votre gynécologue. Néanmoins, “compte tenu des risques associés à l’acte chirurgical de retrait”, l’ANSM ne recommande pas de retirer ce dispositif si aucun effet secondaire n’est présent. L’agence rappelle toutefois qu’il faut, comme toutes les femmes, poursuivre un suivi gynécologique annuel et toujours préciser au médecin que vous êtes porteuse de cet implant au moment de la consultation.
Pour en savoir plus, vous pouvez découvrir l’enquête menée par les journalistes d’investigation ici : Implants contraceptifs Essure : un long silence empoisonné.