Pourquoi docteur : Megan Fox, Marina Foïs, Lili Reinhart, Cœur de Pirate… Ces dernières années, certaines célébrités ont confié souffrir de dysmorphophobie. Mais de quoi s’agit-il ?
Dominique-Adèle Cassuto : Un "dysmorphophobe" est obsédé par un défaut physique léger ou inexistant, qu’il perçoit de manière démesurée. Il pense que son corps est difforme et il le déteste, car il a peur du regard et du jugement des autres. On parle de dysmorphophobie "banale et transitoire" lorsque ce trouble de l’image survient à l’adolescence. À cet âge-là, on peut se sentir en insécurité, car le corps change considérablement. On considère que la dysmorphophobie n’est pas normale, si elle perdure à l’âge adulte.
Quelles parties du corps sont perçues comme anormales ?
Une partie du corps en particulier ou la totalité du corps peut devenir un objet de rejet. À l’adolescence, les jeunes femmes font, en général, une fixette sur leur ventre, leurs hanches et leurs cuisses. Quant aux jeunes hommes, ils se voient trop maigres.
Combien de personnes sont atteintes de dysmorphophobie ?
Selon le Manuel MSD, 2 à 3 % de la population sont touchés par ce trouble. Mais en réalité, il est impossible de le savoir réellement. Ce trouble est encore sous-évalué, car son diagnostic repose sur un examen clinique. Lors d’un échange, un psychologue ou un nutritionniste va voir s’il existe un décalage entre ce que le patient évoque et la réalité.
"Après les confinements, j’ai remarqué une augmentation des cas de dysmorphophobie"
Dysmorphophobie : avez-vous récemment constaté une hausse des consultations ?
J’ai toujours été habituée à recevoir des personnes touchées par ce trouble de l’image, car je suis endocrinologue-nutritionniste spécialisée dans le comportement alimentaire et la nutrition des adolescents. Mais, après les périodes de confinement, j’ai remarqué une augmentation des cas de dysmorphophobie.
Quel est le profil des patients ?
Ce trouble touche un peu plus fréquemment les femmes. Il peut apparaître chez les personnes qui ont souffert de surpoids durant l’enfance ou chez celles qui suivent sans cesse un régime à cause de l’effet yoyo.
Quelles sont les causes de ce trouble ?
La dysmorphophobie est associée à une mauvaise estime de soi-même et une mauvaise confiance en soi. Elle peut se présenter en fonction de la façon dont un adulte se construit. De nos jours, les réseaux sociaux, notamment Instagram, accentuent ce trouble, car ces plateformes sont basées sur la comparaison sociale. Si l’on suit, par exemple, une influenceuse qui a les cuisses fines sur ses photos, on va vouloir se comparer à elle.
La dysmorphophobie a "un impact sur la vie sociale, amoureuse et professionnelle"
Comment se manifeste la dysmorphophobie ?
En général, un "dysmorphophobe" se regarde longtemps ou souvent dans la glace en se scrutant ou, au contraire, il va tenter d’éviter le miroir ou une surface brillante. Ce trouble peut aussi conduire à camoufler les défauts physiques perçus comme monstrueux. Les patients peuvent également ressentir un sentiment de honte, de l’inquiétude passagère, voire de l’anxiété. Ils peuvent commencer à adopter des comportements pathologiques, tels que faire de nombreux régimes ou se tourner à plusieurs reprises vers la chirurgie esthétique sans être content et satisfait du résultat.
En cas de dysmorphophobie, on risque de s’isoler et de ne pas sortir de chez soi afin d’éviter les situations sociales et les lieux publics. En clair, ce trouble va avoir un impact sur la vie sociale et amoureuse, mais aussi sur la vie professionnelle. Au sein d’une entreprise, un "dysmorphophobe" peut avoir peur de prendre la parole ou d’occuper un poste à responsabilités.
Quelles sont les solutions pour lutter contre la dysmorphophobie ?
Lorsque le patient est un adolescent, on peut lui demander de regarder des photos de lui à différents âges pour voir son évolution. Les parents peuvent aussi lui montrer leur évolution à l’aide de clichés afin que leur enfant comprenne qu’il est en pleine construction.
Quand il s’agit d’un adulte, il peut se tourner vers un psychomotricien. Ce spécialiste l’aidera à travailler sur l’image de son corps. Autre solution : la thérapie comportementale et cognitive (TCC), qui permet de travailler sur les obsessions, l’affirmation de soi et la façon de voir son corps à l’aide d’exercices et d’approches thérapeutiques.