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Génétique

Et si le suicide était en partie héréditaire ?

Par Rafaël Andraud

Une large étude menée sur des vétérans de l'armée américaine a permis d'identifier quatre gènes qui favoriseraient les pensées suicidaires et les comportements à risque.

LanaStock/iStock
En France, près de 9.000 personnes décèdent de suicide chaque année, laissant plus de 100.000 personnes endeuillées, et plus de 150.000 personnes tentent de se suicider.
"Le suicide est la cause de plus de 700.000 décès par an et est la quatrième cause de décès chez les personnes âgées de 15 à 29 ans", selon le professeur Kimbrel.
“Plus nous en savons, mieux nous pouvons prévenir ces décès tragiques", souligne-t-il.

Des chercheurs du Duke University Medical Center ont mené une vaste étude auprès d’anciens combattants de l'armée américaine, en utilisant les données de plus de 630.000 vétérans. L’équipe a pu identifier quatre gènes qui peuvent augmenter le risque de pensées suicidaires et de passage à l’acte. Leurs résultats ont été publiés mercredi 14 décembre dans la revue JAMA Psychiatry.

Génétique : certains ont des risques accrus de comportements suicidaires

Bien que des travaux supplémentaires soient nécessaires pour déterminer si l'identification de ces marqueurs génétiques pourrait conduire à des traitements ciblés, les chercheurs affirment que leurs découvertes permettront de mieux comprendre la façon dont les facteurs de risque héréditaires jouent un rôle dans le développement des pensées suicidaires et des comportements à risque.

"Il est important de noter que ces gènes ne prédestinent personne aux problèmes, mais il est également important de comprendre qu'il pourrait y avoir des risques accrus, en particulier lorsqu'ils sont combinés avec des événements de la vie", explique Nathan Kimbrel, co-auteur de l’étude et professeur agrégé au Département de psychiatrie et des sciences du comportement à la Duke University, dans un communiqué.

Au sein du groupe d'anciens combattants, les dossiers médicaux ont révélé 121.211 cas de pensées ou de comportements suicidaires. Ceux qui n'avaient aucun antécédent documenté de comportement d'automutilation ont été classés comme témoins.

Les gènes identifiés étaient déjà associés à des troubles psychiatriques

Grâce à une analyse d'échantillons de sang à l'échelle du génome, l'équipe de recherche a identifié plusieurs gènes apparents chez les participants ayant des cas documentés de pensées ou d'actions suicidaires, quelle que soit leur origine ethnique. Quatre gènes, qui ont déjà été associés à des troubles psychiatriques, avaient les liens les plus forts.

L'un d'entre eux, nommé "ESR1", un récepteur des œstrogènes, a déjà été identifié comme responsable du syndrome post-traumatique et de la dépression, qui sont des facteurs de risque de comportement suicidaire chez les anciens combattants. L'œstrogène est également une cause suspectée de différences entre les sexes dans les taux de dépression et la perte d'ESR1 s'est avérée produire des effets néfastes sur les tissus cérébraux chez les hommes.

Le deuxième gène identifié était le "DRD2", un récepteur de la dopamine, qui a déjà été associé à des tentatives de suicide, à la schizophrénie, à des troubles de l'humeur, au TDAH, à des comportements à risque et à des problèmes d'alcoolisme. Le troisième, appelé "DCC", a été associé à de multiples troubles psychiatriques. Des études ont trouvé des niveaux élevés dans le cerveau des personnes qui meurent par suicide. Le quatrième gène lié au suicide, "TRAF3", a été associé à un comportement antisocial, à la toxicomanie et au TDAH.

Suicide : quel traitement pour les personnes à risque ?

Les auteurs de l’étude pensent que le lithium - un traitement "de référence" pour le trouble bipolaire dont il a été démontré qu'il réduit le risque de suicide - module l'expression de TRAF3 et de plusieurs autres gènes inflammatoires. En plus de ces quatre gènes, l'équipe de recherche a également identifié neuf autres gènes à risque. "Alors que les gènes représentent une faible quantité de risque par rapport à d'autres facteurs, nous devons mieux comprendre les voies biologiques qui sous-tendent le risque qu'une personne adopte un comportement suicidaire", souligne le professeur Kimbrel.