Les intestins sont souvent appelés le "deuxième cerveau de l’Homme". Ce surnom a surtout été donné car ils constituent le second système nerveux de l’organisme. Toutefois, une nouvelle étude, menée à l’école de médecine de l’université Washington à Saint-Louis, confirme que le microbiote intestinal joue aussi un rôle essentiel dans la santé du cerveau.
Alzheimer : la composition du microbiote peut augmenter les risques de lésions
De précédents travaux ont montré que le microbiome intestinal des patients atteints par la maladie d'Alzheimer était différent de celui des personnes en bonne santé. L’équipe du Missouri a voulu déterminer plus précisément l’influence de ces bactéries sur l'évolution de la pathologie neurodégénérative.
Les chercheurs ont pour cela remanié les microbiotes de souris prédisposées à développer des lésions cérébrales et des troubles cognitifs de type Alzheimer. Elles ont été génétiquement modifiées pour exprimer une forme mutante de la protéine tau du cerveau humain qui s'accumule et cause des dommages aux neurones et une atrophie de leur cerveau à l'âge de neuf mois. Elles portaient également une variante du gène humain APOE, un facteur de risque de la maladie d'Alzheimer.
"Nous avons administré des antibiotiques aux jeunes souris pendant une semaine seulement, et nous avons constaté un changement permanent dans leurs microbiomes intestinaux, leurs réponses immunitaires et la quantité de neurodégénérescences liée à une protéine tau qu'elles ont subie avec l'âge", a expliqué l'auteur principal le Pr David Holtzman.
Le scientifique a découvert que les bactéries intestinales - en partie en produisant des composés tels que les acides gras à chaîne courte - affectent le comportement des cellules immunitaires dans tout le corps, y compris celles du cerveau. Ils peuvent endommager les tissus cérébraux et exacerber la neurodégénérescence dans des conditions telles que la maladie d'Alzheimer.
Microbiote et cerveau : des différences entre les sexes
La recherche, publiée dans la revue Science le 13 janvier 2023, a aussi mis en avant que les effets protecteurs du microbiote diffèrent selon les sexes. Si sa modification via des antibiotiques était plus bénéfique chez les souris mâles porteuses de la variante APOE3 que celles présentant la variante APOE4 à haut risque, le traitement n’avait pas d’effet significatif sur la neurodégénérescence des femelles.
"Nous savons déjà, grâce à des études sur les tumeurs cérébrales, le développement normal du cerveau et des sujets connexes, que les cellules immunitaires des cerveaux masculins et féminins réagissent très différemment aux stimuli", a expliqué le Dr Holtzman. "Il n'est donc pas très surprenant que lorsque nous avons manipulé le microbiome, nous ayons constaté une différence de réponse entre les sexes, bien qu'il soit difficile de dire exactement ce que cela signifie pour les hommes et les femmes vivant avec la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés".
Modifier le microbiome pour protéger le cerveau
Selon les chercheurs, trois acides gras spécifiques à chaîne courte - rares chez les souris avec des microbiomes intestinaux modifiés par un traitement antibiotique et indétectables chez les rongueurs sans microbiomes intestinaux - semblaient déclencher une neurodégénérescence. Elles activaient les cellules immunitaires dans le sang, qui à leur tour activaient les cellules immunitaires du cerveau pour endommager les tissus cérébraux.
"Lorsque des souris d'âge moyen sans microbiome ont été nourries avec les trois acides gras à chaîne courte, leurs cellules immunitaires cérébrales sont devenues plus réactives, et leur cerveau a montré plus de signes de dommages liés à la protéine tau", expliquent les auteurs.
Cette découverte pourrait permettre de développer des traitements luttant contre la maladie d’Alzheimer. "Ce qui est excitant, c'est que la manipulation du microbiote intestinal pourrait être un moyen d'avoir un effet sur le cerveau sans rien mettre directement dans le cerveau", se réjouit le Pr David Holtzman.