De très nombreuses recherches ont montré que le stress et la dépression augmentent les risques de maladies neurodégénératives. Pour mieux comprendre le phénomène, des neuroscientifiques de l’université de Genève ont décidé d’étudier l’activation du cerveau de jeunes adultes et de personnes âgées face aux souffrances psychiques d'autrui. Ils ont ainsi découvert que bien gérer ses émotions aiderait à réduire les risques de démence.
Cerveau : des activations différentes selon les émotions
Les scientifiques ont montré à des volontaires de courtes vidéos dévoilant des personnes en état de souffrance émotionnelle lors d’une catastrophe naturelle par exemple. Ils diffusaient aussi des clips au contenu émotionnel neutre. L’activité cérébrale des participants était mesurée grâce à une IRM fonctionnelle. Dans un premier temps, l'équipe a comparé un groupe de 27 personnes de plus de 65 ans avec un groupe de 29 individus âgés d'environ 25 ans. La même expérience a ensuite été répétée avec 127 seniors.
"Les personnes âgées présentent généralement un schéma d'activité cérébrale et de connectivité différent de celui des personnes plus jeunes", explique Sebastian Baez Lugo, chercheur au département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine et au Centre suisse des sciences affectives de l’université de Genève.
''Ceci est particulièrement visible au niveau de l'activation du réseau du “mode par défaut”, un réseau cérébral qui est fortement activé à l'état de repos. Son activité est fréquemment perturbée par la dépression ou l'anxiété, suggérant qu'il est impliqué dans la régulation des émotions. Chez les personnes âgées, une partie de ce réseau - le cortex cingulaire postérieur - qui traite la mémoire autobiographique, montre une augmentation de ses connexions avec l'amygdale, qui traite d'importants stimuli émotionnels. Ces connexions sont plus fortes chez les sujets avec des scores d'anxiété élevés, avec des ruminations ou avec des pensées négatives'', précise l'expert.
Démence : il ne faut pas rester “figé” dans un état négatif
Selon les travaux publiés dans Nature Aging, les personnes âgées ont tendance à mieux réguler leurs émotions que les plus jeunes et à se concentrer plus facilement sur les détails positifs, même lors d'un événement négatif. Toutefois, les chercheurs ajoutent qu'avec l'âge les émotions négatives comme l’anxiété et la dépression modifient de manière excessive et sur une longue durée l’activité du cortex cingulaire postérieur et de l'amygdale. Cela suggère, selon eux, que ces humeurs pourraient augmenter le risque de maladie neurodégénérative.
Le scientifique Sebastian Baez Lugo ajoute : ''Notre hypothèse est que les personnes plus anxieuses n'auraient pas ou moins de capacité de distanciation émotionnelle. Le mécanisme de l'inertie émotionnelle dans le contexte du vieillissement s'expliquerait alors par le fait que le cerveau de ces personnes reste "figé" dans un état négatif en reliant la souffrance des autres à leurs propres souvenirs émotionnels." Pour le chercheur et son équipe, une meilleure gestion des émotions négatives - par la méditation par exemple - pourrait aider à limiter la neurodégénérescence.